Cosmos. – Sagan Carl. – Traduit de l'américain par Dominique Peters et Marie-Hélène Dumas. – Editions Mazarine, 1981, achevé d'imprimer pour le compte des Nouvelles éditions Marabout en janvier 1985. – MU420. – ISBN 2-501-00628-3
Carl Sagan est un universitaire et vulgarisateur américain connu pour son rôle d'influenceur en matière de recherche de vie extra-terrestre. Ce n'est pas cette particularité de l'auteur qui m'a attiré vers son livre : pour employer un terme parfois utilisé pour caractériser les sentiments religieux, je fais partie des indifférents en matière de vie extra-terrestre. Mais ces derniers temps je m'efforce de réserver un peu de temps à la lecture d'ouvrages dont j'espère qu'ils m'aideront à comprendre les subtilités de l'astrophysique contemporaine.
La lecture d'un livre écrit voici presque quarante ans n'était peut-être pas tout à fait pertinente. Mais j'y ai trouvé la confirmation d'une idée qui m'est chère : il ne faut jamais renoncer à penser par soi-même, jamais s'incliner aveuglément devant la notoriété d'un auteur. Lorsque je lis que Newton a commis des erreurs dans certaines de ses démonstrations, je me doute bien qu'il faut un niveau de technicité élevé en mathématiques pour les déceler. Mais les plus grands esprits ne sont pas à l'abri de biais cognitifs ordinaires, plus faciles à identifier. L'ouvrage intitulé "Les décisions absurdes", sur lequel j'ai écrit une note de lecture il n'y a pas si longtemps, évoquait certains de ces biais cognitifs. J'en ai relevé un dans "Cosmos".
Une affirmation paraît beaucoup plus convaincante si elle est appuyée sur un calcul. Malheureusement, le calcul est sans valeur s'il est fait avec des nombres « tirés du chapeau ». Or c'est le cas lorsque Sagan nous présente l'équation de Frank Drake (son collègue à l'université Cornell). Le premier terme de l'équation est le nombre d'étoiles dans notre galaxie, la Voie lactée, N* ; le deuxième terme est la fraction d'étoiles possédant un système planétaire, fp. Il est superflu d'aller plus loin, la comparaison entre le traitement de ces deux termes sera suffisante.
« Nous connaissons assez exactement N*, le nombre d'étoiles dans la Voie lactée, grâce à de minutieux dénombrements des étoiles situées dans les régions du ciel restreintes, mais représentatives. Il est de quelques centaines de milliards. Des calculs récents arrivent à 4 x 10 puissance 11 étoiles [ 400 milliards] ». C'est bien le nombre que l'on trouve sur quelques sites consacrés à la Voie lactée, plutôt comme un maximum, avec un minimum de 100 à 200. L'utilisation de ce nombre dans un calcul a bien un sens, même si c'est une approximation, même si Sagan choisit l'approximation haute.
« On peut dire que fp, la fraction d'étoiles à planètes, est en gros de 1/3 ». En ce qui concerne ce deuxième terme, c'est une tout autre affaire. Il faut rappeler que lorsque Sagan écrit, on n'a pas encore détecté la moindre exoplanète. Le nombre d'1/3 n'a donc pas plus de sens que 2/3 ou 3/3 ou 1/30 ou tel nombre qu'on voudra ; ce qui invalide toute la suite du calcul. Sagan avait parfaitement le droit d'espérer que d'autres étoiles et même que la plupart des étoiles soient entourées d'un système planétaire. Mais la seule affirmation valide qu'il pouvait faire est la suivante : il existe au moins une étoile dans le Cosmos accompagnée d'un système planétaire.
Bien sûr, c'est un peu frustrant, et on comprend que tout le monde n'ait pas la passion de la rigueur scientifique.
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