Ce livre, conformément à ce que son titre permet clairement d'anticiper, est un ouvrage de vulgarisation des définitions des quelques concepts-clés liés au genre qui sont, par ignorance ou en mauvaise foi, amalgamés, mal compris et mal utilisés, de façon idéologique et/ou par calcul politique : « théorie du genre », « identité de genre », « différence » ≈ « inégalité » / « indifférenciation » ≈ « égalité » des genres, « orientation sexuelle », « pratiques sexuelles ».
Il naît du reflux infâme de la polémique qui a suivi, en juillet 2017, l'avis du Comité consultatif national d'éthique favorable à l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires, polémique menée chez nous par l'Église de France, par l'imputrescible mouvement de La Manif Pour Tous ainsi que par VigiGender, collectif d'associations de parents d'élèves « anti-genre », et enfin par une personnalité médiatico-intellectuelle insoupçonnable telle Michel Onfray.
Le point fort dont le livre peut se prévaloir est d'abord la position d'où la philosophe parle : à cheval entre la France et l'Italie, elle constate les étonnantes similitudes dans les modes opératoires et les termes du débat et dans ses abus sémantiques ; en se professant catholique pratiquante, elle est aussi à même de mieux dénoncer les incongruités et contradictions dans les messages des différents prélats. Des éléments tirés de sa biographie familiale et de ses travaux sur le statut du corps en philosophie fournissent également des apports inédits.
Ses points faibles, comme pour toute œuvre de vulgarisation, consistent dans les simplifications et raccourcis qu'il implique : en particulier d'impardonnables lacunes sur l'orientation sexuelle, dont on ne saura que la phrase laconique et quelque peu oxymorique suivante :
« Comme le montre désormais la psychanalyse, l'orientation sexuelle est le résultat d'un "choix psychique inconscient" et elle est donc constitutive de notre identité » (p. 96). Ce qu'il ne fallait pas démontrer, justement !
Un autre exposé trop hâtif concerne la critique du constructivisme, où sont considérées les théories de Monique Wittig, de Teresa de Lauretis (théorie queer), mais principalement dans le but de réhabiliter Judith Butler qui me semble être, malgré son plus grand raffinement intellectuel, à l'origine de ce même constructivisme.
Cela étant, le livre peut, par pédagogie, être mis entre toutes les mains : en particulier celles des ados, des novices absolus, et des esprits modérés-apaisés, et se lire en quelques heures.
Cit. :
« Chaque société peut avoir "son corps" tout comme elle a "sa langue". Telle une langue, ce corps peut être soumis à une gestion sociale et il peut aussi obéir à des règles, à des rituels d'interaction et à des mises en scène. Mais le corps est aussi une réalité qui existe indépendamment des règles auxquelles il obéit. Il peut même parfois arriver à s'exprimer quand le langage n'est plus capable de le faire […] ce corps qui crie une douleur qu'on ne parvient pas à dire autrement. » (pp. 127-128)
« Ce n'est qu'à partir du moment où nous reconnaissons la sédimentation des normes sexuelles (c'est-à-dire celles qui pendant des siècles ont défini ce qu'il faut faire pour être un homme ou une femme) que nous pouvons par la suite chercher des normes qui nous correspondent le mieux, sans pour autant détruire les catégories d'homme et de femme. » (p. 136)
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