La nature dérobée.
Couverture noire, titre en grisé, le lecteur doit déjà se pencher sur le livre pour découvrir de quoi il s’agit. Bien vu ! La tentation est alors grande de les ouvrir de concert, l’œil et l’essai pour voir ce qu’on va voir. Daniel Arasse (1944-2003), en bon pédagogue et historien de l’art, spécialisé dans la Renaissance et l’art italien, propose d’abord une œuvre du Tintoret de 1550, Mars et Vénus surpris par Vulcain. Avec son didactisme affiché, l’auteur irrite d’entrée de jeu en adressant son explicitation du tableau à une épistolière italienne fictive incapable de voir les connotations érotiques. Le reflet dans le miroir, légèrement décalé dans le temps, donne une autre dimension à l’adultère mis en image. L’étude se poursuit avec L’Annonciation, peinte vers 1470-1472 par Francesco del Cossa, artiste du Quattrocento de l’école de Ferrare. Vient ensuite l’extraordinaire toile de Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages, datée de 1564 où les trognes oscillent entre le grotesque et la sidération. Moins ostentatoire que dans le premier commentaire mais tout aussi pompeuse, l’accroche d’Arasse se fait par une énonciation à la troisième personne. La description passe l’œuvre à la moulinette socioculturelle. Les rois mages ont : « l’air de vieux hippies avachis, de babas édentés… de vieillards gâteux » quand on pourrait y déceler des cadavres en sursis, des zombis en plan plus en phase avec l’air du temps d’aujourd’hui. Daniel Arasse va concentrer son propos sur l’« œil noir » de Gaspar, roi élégant mais en retrait. Restent encore deux chefs-d’œuvre abordés successivement, La Vénus d’Urbin, 1538, du Titien, le « prince de la Peinture » puis les incontournables « Ménines », 1656, de Diego Velázquez, peintre baroque espagnol juché au firmament de l’art. En tout cinq œuvres sont décortiquées et une thématique abordée, celle de l’identité de Marie-Madeleine à travers sa chevelure. Papier, format et multiples focus en couleur sur l’œuvre étudiée rendent le cheminement agréable mais au bout du parcours, qu’a-t-on vu qu’on ne saurait voir ? Y verra-t-on mieux la prochaine fois ? Cela reste à voir. Le discours érudit et pointilleux de l’auteur s’avère constamment « arassant ».
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