Gourgounel, un carrefour géopoétique.
Récit composé dès 1962 dans la ferme de Gourgounel située dans la vallée de la Beaume, reliée au massif du Tanargue, lui-même inclus dans la géographie tourmentée des montagnes ardéchoises, Les Lettres de Gourgounel composent un voyage immobile et profond, atemporel mais contemporain qu’on peut lire et relire sans lassitude en suivant le parcours intérieur évoqué en filigrane par Kenneth White et les multiples rencontres faites sur le terrain. Son regard neuf posé sur une monde rural en sursis est empreint d’empathie et teinté d’amusement. Les portraits s’ébauchent à travers des descriptions brèves et vives et des conversations enlevées, Madame Tauleigne, « véritable Gibraltar de chair », le vieux Paudevigne « qui se contente d’aller dans son jardin et le temps passe », Martin Martinesche, le facteur dont « la soûlographie n’atteint jamais l’agressivité ni la stupidité », Madame Teston et « son rabâchage calamiteux », etc. Toute une époque faite de croyances, d’us et coutumes d’un autre temps se réactive avec verve et grandeur. La découverte de Gourgounel, son achat et son occupation par Kenneth White conserve son pouvoir d’évocation intact : « Nous y voilà… et voici que les narcisses sont tout autour de nous, luisant sous la pluie et doucement bercés par le vent ». Le nouvel occupant va devoir apprivoiser les fantômes et assimiler son nouvel environnement qui le fait paniquer car au début tout lui est étranger. Il reconstitue l’histoire de ses prédécesseurs, le Marseillais Camossetto, naïf et pathétique dans sa solitude et ses rêves échoués mais à son corps défendant franchement drôle dans ses tentatives d’enrichissement et de séduction, la sorcière, guérisseuse versée dans la connaissance des plantes, adepte du Petit Albert, livre de magie absconse. Enfin il s’attelle au grand nettoyage par le vide en creusant un trou dans son terrain et en y versant les vieilleries entassées puis il entreprend de rénover la toiture car des orages homériques et des pluies diluviennes couvent dans les cieux ardéchois. Le temps file magnifiquement en compagnie de l’Ecossais partout chez lui, invité bienvenu, lisant, écrivant, conversant, humant, dégustant, enregistrant mentalement un monde allant s’éboulant : « Heureux d’être dehors dans la clarté ! ».
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