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[La ligue de l'enseignement | Pierre Tournemire]
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Posté: Sam 15 Oct 2016 9:20
MessageSujet du message: [La ligue de l'enseignement | Pierre Tournemire]
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Cette plaquette résume, de façon très succincte, l'évolution d'un mouvement politique associatif d'une très grande longévité – existant depuis 1866 – dans son développement d'abord conflictuel puis de partenariat avec les pouvoirs publics nationaux – en particulier le ministère de l'Éducation nationale – et, progressivement, les institutions locales.
Née de l'intuition de Condorcet que la liberté n'est pas innée et que l'on ne peut devenir citoyen que par une éducation permanente, sous peine de régression à l'assujettissement, ainsi que de la déception du Second Empire et de la répression de la Commune, la Ligue de l'enseignement de Jean Macé œuvre pour l'instauration de l'instruction républicaine, publique, laïque, gratuite et obligatoire que nous obtînmes depuis.
La longue durée s'accompagne nécessairement d'une périodisation qui scande, à un rythme presque décennal, la diversification de l'action, l'obsolescence de certains combats et l'apparition de nouveaux clivages, l'accompagnement de transformations sociales significatives – comme l'urbanisation de masse, les congés payés et l'émergence de la civilisation des loisirs, le creusement des inégalités sociales et urbaines, culturelles puis scolaires –, la confrontation avec les grands événements politiques – les guerres mondiales, la contestation de la fin des années 60, les politiques publiques culturelle et territoriale –, enfin les débats afférant à l'éducation : la subvention des écoles privées, la massification du système éducatif et ses réformes, la laïcité de puis à l'école. La Ligue a donc été traversée par des doutes, des exigences de restructuration interne, des temps de réflexion sur ses fondements, sur son domaine d'action, sans doute sur son autonomie face au politique. C'est nécessaire et cela relève de l'historicité.
Néanmoins, ce qui m'a intéressé et frappé le plus depuis les premières pages de cet opuscule, c'est l'évolution des concepts et des principes fondamentaux, qui me semblent aujourd'hui vidés de sens, creux, verbeux voire méconnaissables, presque caricaturaux : je pense au concept de « citoyen », de « République », d' « instruction », de « laïcité », de « fraternité », ainsi qu'aux institutions dont « l'École », « l'Église », la franc-maçonnerie...
Non que je sois passéiste : en mai 1873, donc en régime républicain, « l'Ordre moral » institué par le gouvernement du Duc de Broglie constitue une contre-Ligue interdisant l'embauche de gens capables de lire (!) et le Pape Pie IX excommunie les partisans de l'instruction publique ! Les concepts énoncés ci-dessus furent trempés dans des luttes sanglantes ; il est possible qu'une certaine pacification les ait dénaturés – et pourtant la violence sociale est là. Toutefois, on ne pourra m'empêcher de penser que dès lors que l'on impartit et s'attend de l'école qu'elle form(att)e les jeunes aux exigences du marché de l'emploi – et non qu'elle crée des citoyens –, qu'être républicain c'est appartenir à une certaine « famille politique » de droite bien connue, que « l'éducation permanente » devient « formation continue », que la laïcité signifie l'exclusion des femmes musulmanes pratiquantes de l'école, de l'emploi qualifié et bientôt de l'espace public tout entier, que la fraternité n'est autre qu'une vague solidarité associative soumise aux contraintes des finances publiques subordonnées aux impératifs de la compétitivité mondialisée et du sauvetage d'institutions financières régies par l'irresponsabilité de leurs décideurs, que les dossiers de l'éducation nationale concernent les effectifs du personnel enseignant et le pourcentage de réussite des élèves au bac, que l'Église est tiédasse et incapable d'entendre un pape qui l'incite à ouvrir ses portes aux réfugiés, que la franc-maçonnerie est mafieuse ou magouilleuse... on ne pourra m'empêcher de penser que l'on se trouve à la fois en plein dans la Novlangue et dans une gigantesque supercherie du pouvoir.

Même l'excipit du livre, qui revient sur la laïcité, en donne une définition absolument consensuelle et étrangement dénuée de toute dialectique politique, en décalage évident avec une société dans laquelle le pseudo-débat sur le « burkini » a duré pendant pratiquement trois mois :

« La laïcité, qui assure à chacun, par un travail permanent d'esprit critique, la liberté de pensée, la liberté de conscience, la liberté d'expression, est sa référence, son exigence, et sa démarche [de la Ligue].
Soucieuse de l'égalité de droit de chaque citoyen, elle est vigilante par rapport à la sujétion des pouvoirs publics à un homme, une religion ou une idéologie. Au cœur de la diversité des cultures, par la rencontre et la confrontation d'idées, elle contribue à l'évolution des mentalités. Par l'éthique du débat, elle est une condition du "vivre ensemble" et du fonctionnement réel de la démocratie. Valeur de civilisation, basée sur l'égale dignité de chacun, elle inspire toutes les luttes contre les discriminations, les exclusions, pour plus de justice sociale. [...] »

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