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[Caresser le velours | Sarah Waters]
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apo



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Posté: Mer 10 Aoû 2016 17:29
MessageSujet du message: [Caresser le velours | Sarah Waters]
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[Grand merci à l'amie Ingannmic, que je regrette de ne plus croiser ici]

Ce premier roman de l'auteure galloise Sarah Waters a joui d'une très grande popularité, au point d'être adapté en série télévisée au Royaume Uni. Il s'agit d'un excellent pastiche d'un roman sentimental victorien, dans lequel la narratrice, Nancy, évoque ses amours lesbiennes. De victorien il a la structure, la longueur dickensienne, évidemment la chute aussi, et le style regorgeant de descriptions de lieux, paysages urbains et intérieurs d'habitations, des modes de vie des nantis, de la petite bourgeoisie comme des classes populaires, d'habits et de parures ; de victorien il y a les dialogues, monologues et états d'âme des personnages féminins, sujets à d'innombrables rougissements et à quelques pâmoisons... Il y a aussi un clin d’œil explicite à Thomas Hardy et à son héroïne féministe Sue Bridehead (p. 510).
Nous découvrons, d'après le regard d'une jeune femme d'origine provinciale, le milieu du music-hall et des théâtres de variété londoniens, celui de la prostitution de rue et de la débauche de haut vol, enfin, dans une moindre (et à mon avis insuffisante) mesure, le milieu du militantisme syndicaliste, socialiste et suffragiste de la dernière décennie du XIXe siècle.
Ce qui est totalement moderne, par contre, c'est la manière dont est décrit l'érotisme homosexuel féminin : autant dans la crudité des scènes d'éros, que, surtout, par rapport à la variété de formes dont les personnages des amoureuses et amantes de la narratrice appréhendent et avouent leur lesbianisme, en fonction très largement de leur appartenance sociale mais aussi de leur caractère individuel. En effet, s'il ressort un sentiment de peur généralisée d'être une femme qui s'affiche ne serait-ce qu'en déambulant simplement dans le rues sans être accompagnée d'un homme, s'il sourd une atmosphère de répression et d'inhibition constante de la sexualité, il n'en apparaît pas moins que les comportements – y compris voire surtout dans la sphère sexuelle – sont surdéterminés par l'appartenance de classe, qui autorise tout excès et toute turpitude sous couvert de conventions sociales et de rapports de domination. On comprend que le « crime » d'Oscar Wilde ne fut pas sa sexualité, pas même de ne pas la cacher, mais de questionner intelligemment ces conventions et ces rapports. Caractérisés d'ailleurs par une domination identique, tout aussi violente chez les hommes que chez les femmes : de quoi faire réfléchir sur l'association entre domination et patriarcat...
Ou alors... : un autre point constant dans cette approche du lesbianisme « fin de siècle » qui va dans le même sens : être lesbienne passe presque invariablement, et de multiples façons, par le travestissement et autres formes de masculinisation des femmes. Le genre surdéterminé envahit entièrement la sexualité ainsi que l'ensemble des rapports humains et, naturellement, il est masculin.

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