Il faut d'abord s'habituer au mantra du lexème « cul nu » - ou s'agit-il d'une adoration fétichiste du mot « cul » ? - ;
ensuite, accepter une obsession pour le voile, érigé en emblème non seulement de la domination que les « barbus » exerce[raie]nt sur les femmes, mais de la négation de la féminité tout entière, laquelle n'est guère prise en compte que dans le contexte islamique ;
de plus, acquiescer à cette transposition écrite de l'oral, style jadis réservé aux blogs mais qui, à l'évidence, déteint dans les livres – « Ben voyons. » « Sans déconner. » « Si, si. » - ;
de surcroît, sourire aux réitérations inlassables des expressions de « patriotisme » à l'égard de la France, de la République, de sa culture nourricière adoptée de manière inconditionnelle par sa langue et la lecture – mon sourire venant d'une certaine fréquentation de la littérature migrante qui fait de cette loyauté identitaire un thème récurrent afférent à l'identité en questionnement ; en même temps, mesurer à quel point l'analyse que l'auteure mène sur deux décennies d'actualité française et sur une éternité de sexisme et de misogynie est encore déterminée par le paradigme hérité de la culture d'origine et non par les réalités françaises – par ex. qui peut en bonne foi prétendre, dans la généralité de la France contemporaine, que la domination sexiste a pour objet la négation du corps de la femme, son cloisonnement, et non au contraire sa sur-érotisation, sa sur-exposition ? - ;
enfin, il faut avaler l'immense prétention, l'immodestie outrancière de la jeune auteure, qui se révèle à la fois (1) lorsqu'elle assène des évidences – par ex. sur l'importance de la connaissance de l'Histoire pour la compréhension du présent, sur la circonstance que les inégalités de genre s'installent dès l'instruction scolaire différenciée –, (2) dans sa manière catégorique de rejeter les objections qui sont souvent issues de la réflexion française la plus avancée et actuelle – et ne constituent pas que des divergences de sensibilité politique, et (3) sans oublier certaines références un peu gauches sur sa classe sociale d'origine et sa propre exception scolaire et « intellectuelle » - autres réflexes d'exilée...
Je me trouve très rarement en accord avec les analyses de Shalmani, lui sachant cependant gré de me permettre d'élaborer mon contre-argumentaire ; cela étant, je ne cesse de m'interroger surtout sur l'essence de sa démarche intellectuelle qui consiste à trouver en Sade l'antidote à Khomeiny : s'il est clair que les biographies de courtisanes ont pu représenter pour l'auteure une étape d'identification dans une condition de traumatisme de genre hérité, s'il est logique que la littérature libertine du XVIIIe s., dans sa critique et ridiculisation du clergé d'Ancien Régime, notamment par l'émancipation sexuelle, fut essentiellement politique et s'offre à un parallèle pertinent avec la dénonciation de l'islam politique actuel, si encore, comme l'affirment certains dix-huitièmistes, les Lumières posaient l'égalité entre hommes et femmes comme une évidence, comment néanmoins Sade peut-il être pris pour une bannière d'émancipation féminine et féministe ? Comment la sexualité qu'il décrit peut-elle inspirer un militantisme féministe et humaniste actuel ? Comment le sadisme n'est-il pas plutôt rapporté aux « barbus », et avec encore davantage de pertinence au libéralisme (vétéro- et néo-) que d'en représenter l'antidote ?
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