Pour commencer, voici les circonstances plutôt inattendues de la rédaction de ce livre :
« Dans
La Tête d'Obsidienne d'André Malraux, Pablo Picasso affirme que les thèmes fondamentaux de l'art sont et seront toujours : "la naissance, la grossesse, la souffrance, le meurtre, le couple, la mort, la révolte et peut-être le baiser". Il les appelle emblèmes.
Le Baiser peut-être est le premier titre de la collection "Pabloïd". Celle-ci donne carte blanche à des écrivains pour composer un texte à partir de l'un de ces huit thèmes. »
À noter la délicatesse exquise de l'inaugurer par l'emblème hypothétique, accompagné de la précaution du « peut-être » insérée dans le titre...
L'auteure nous convie, dans une série ininterrompue de digressions à deux voix et demi – entre la narratrice à la première personne, sa confidente Belinda, et le fiancé (comptant pour le demi) – à quelque chose de descriptif, parfois dialogique et souvent intime sur les baisers, et, un peu, sur l'amour. Après les habituelles précisions de définition, les baisers littéraires ont la part belle, naturellement, avec une certaine prédilection pour les classiques et, de manière pour moi surprenante, pour les auteurs du XVIe siècle – « serait-ce le siècle des baisers ? » – et nommément : Louise Labé, Montaigne et Ronsard (bien sûr), mais aussi tels Francesco Patrizi [c. 1560] et Jean Second [1539]. Une place à part est dévolue à Paolo et Francesca de l'
Enfer de Dante. Logique. Et à l'Antiquité. Pas très grande celle-ci, néanmoins.
Un certain nombre d'œuvres picturales et plastiques et quelques références cinématographiques et photographiques assez célèbres sont aussi de la partie.
Cependant, de l'aveu même de l'auteure, tout souci encyclopédique est absent ; il n'y a là aucune prétention à l'exhaustivité mais sans doute un désir de faire se retrouver le lecteur dans l'expérience sensorielle ô combien partagée : « Mais n'est-ce pas aussi que la lecture nous procure un plaisir de nature musicale quand on peut fredonner en même temps que le texte la mélodie qu'on y anticipe ? » (p. 157).
Et cette préoccupation musicale me semble être une invariante sous la plume de Belinda Cannone. Je me plais à l'imaginer femme élégante. Exactement autant que l'est sa culture, sa pensée et sa prose, avec cette coquetterie qu'est le verbe « sourdre », si anti-musical de prime abord... Par conséquent, surtout à certains moments (où mes lectures parallèles sont particulièrement arides ou rudes), je suis prêt à pardonner beaucoup à cette élégance : même la frivolité...
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