C'est une merveilleux livre que je viens de terminer. Merveilleux et terrible car certaines scènes sont presque à vomir. Cela m'a pris presque la moitié du livre pour en trouver la bonne part. Mais le jeu en valait la chandelle car plus j'avançai dans ma lecture plus je ressentais la force de ce que j'étais en train de lire. Le narrateur, Hanta, est un ouvrier qui, sous le régime communiste en vigueur à Prague est en charge d'alimenter et de manœuvrer une presse pour pilonner des livres et compresser des tonnes de papier. Il fait cela dans une cave immonde, où grouillent les souris, où les papiers sont parfois imbibés de sang, où tous ces déchets font une bouillie irrespirable. Hanta trouve néanmoins des échappatoires : la bière d'une part, la lecture de livres arrachés à leur destin d'autre part. Et aussi, parfois, l'emballage du rebut qu'il réalise avec des reproductions de peintures : Gauguin, Van Gogh, Rembrandt ... C'est un livre sur la résistance à l'absurde.
C'est un livre où le narrateur, qui m'est apparu repoussant dans les premières pages, devient peu à peu un être lumineux et qu'on aimerait avoir pour ami. C'est aussi une très belle langue, à la fois simple mais très évocatrice. Et puis ça parle des livres comme une arme contre l'oppression et contre la bêtise. Mais aussi comme quelque chose de fragile.
Par l'absurdité de la situation, et la sujétion à un système écrasant, on peut peut-être rapprocher Hanta de Joseph K., le personnage du Procès de Kafka. On peut aussi, du fait de sa résistance passive aux ordres de son chef, le comparer à Bartleby de Melville. Je pense aussi à Cripure de "Sang noir" de Louis Guilloux. Hanta rejoint cette confrérie littéraire de gens simples, de gens du peuple qui tranquillement disent "non" à l'absurdité d'un système qui veut les mettre à genou. Et il peut arriver que ce "non" soit le grain de sable qui, un jour, bloquera l'infernale machine à broyer les humains, et les livres.
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