Périlleux sujet que celui du combat entre le bien et le mal, auquel s'attelle François Mauriac dans "Les Anges noirs"...
Chez son personnage principal, Gabriel Gradère, il semblerait que le second ait vaincu...
Gabriel a toujours offert au monde une gueule d'ange propre à séduire tous ceux qui l'ont approché, et à créer l'illusion que le bon Dieu pouvait lui être donné sans confession. Il a vaguement hésité, d'ailleurs, adolescent, à rejoindre les rangs de ceux qui consacrent leur vie au "tout-puissant", mais cette vocation n'a pas survécu longtemps à l'appel du tourbillon du monde, à l'attrait que le jeune homme exerçait sur les femmes.
Et il faut bien dire que le cœur de Gabriel n'est guère à l'unisson de son angélique physionomie, dont il joue avec ruse, pour manipuler à l'envi son entourage.
Le début du récit met en scène un Gabriel vieillissant mais toujours séduisant. Il subit les conséquences de sa roublardise et de la vie dissolue qu'il a menée, ces deux dernières décennies, à Paris. Endetté, empêtré dans une sombre affaire de chantage, il regagne sa terre natale des Landes. Il y retrouve notamment Andrès, le fils naturel qu'il eut avec Adila Du Buch, l'une de ses premières "victimes". Mathilde, la cousine de cette dernière, a élevé le garçon à la mort de sa mère.
Ils sont loin, les jeux et la complicité enfantine du trio naguère formé de Gradère et des deux cousines Du Buch... Mathilde, pragmatique, et ravalant l'affection qu'elle éprouvait pour Gabriel, a épousé Symphorien : une histoire d’intérêt commun, de terres et de forêts qui s'unissent, avec sans doute plus d'harmonie que les êtres. Le couple a eu une fille, Catherine, devenue une jeune femme au physique ingrat, que l'indifférence maternelle a aigri.
Tout ce petit monde cohabite dans le château familial, dans une atmosphère lourde de ressentiments, de méfiance, de désir de vengeance et de cupidité...
Face à ce panier de crabes, placé là par l'auteur comme un pendant à la duplicité qui régit les actes des occupants du château, se dresse la figure d'Alain Forcas. Ce jeune prêtre récemment installé dans la paroisse est la risée du village. Conspué, harcelé, depuis qu'il a accueilli chez lui celle que ses concitoyens ouailles n'ont jamais cru être sa sœur, il endure les brimades et la malveillance en silence.
Pourquoi Gabriel Gradère a-t-il choisi d'adresser à cet homme de dieu qu'il ne connait pas la confession écrite de ses crimes, de ses manquements ?
"Les Anges noirs" est un roman sur lequel plane une sourde tension. L'auteur y assemble des personnages dont la plupart ont comme point commun d'être mal aimés, avec pour résultat une accumulation explosive de frustrations et de détresses. Cet entrelacement de destins malheureux confère au récit sa densité, et le rend très prenant.
J'avoue moins d'enthousiasme concernant la conclusion de l'intrigue, sur fond de rédemption et de pardon, où il est question d'homme bon prenant sur lui le péché et la souffrance de celui qui s'est égaré... Ce qui m'a finalement surtout intéressé dans cette lecture, n'est pas la finalité de la lutte entre le bien et le mal orchestrée par l'auteur. C'est d'avoir cheminé le long des sentiers tortueux de la complexe psychologie humaine... peu importe le vainqueur !
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