Comme son titre l'indique, "Vie et mort..." tourne autour de Sophie Stark... à moins que ce ne soit Sophie Stark qui tourne autour des autres... ce qui reviendrait un peu au même, si l'on en croit ce roman, du moins en ce qui concerne son héroïne. Tourne est vraiment le terme qui convient, d'ailleurs : on l'approche, Sophie, pour s'en éloigner aussitôt, puis revenir virevolter dans ses parages...
Elle tourne, elle aussi. Des films. Le premier en amatrice, sorte de documentaire d'un joueur de basket de son université, bel étudiant propre à tomber les filles, pour lequel Sophie éprouve une sorte d'obsession clinique. Chacune de ses œuvres, peu nombreuses, aura d'ailleurs comme point de départ un personnage réel qu'elle a rencontré, et dont elle a extorqué une histoire personnelle, "intéressante", comme elle dit, pour en faire un film. D'abord Allison, avec laquelle elle entretient pendant quelques temps une relation amoureuse, puis Jacob, chanteur médiocre, son futur mari.
"Vie et mort de Sophie Stark" porte leur voix, mais aussi celles d'autres de ses proches, formant un récit polyphonique qui forme, par bribes, un portrait approximatif de cette héroïne si difficile à cerner.
Enfant solitaire, considérée comme bizarre, elle a toujours manifesté envers le monde qui l'entoure une apparente insensibilité en même temps qu'un intérêt quasi scientifique, sa curiosité se focalisant sur les émotions des autres, leur façon d'absorber les événements forts de leur existence. Sophie observe avec acuité, et sans retenue, elle veut tout voir et tout montrer, le plus intime, le plus douloureux. Elle-même semble affectée d'une incapacité à exprimer ses émotions, au point que l'on se demande parfois si elle n'est pas une sorte de coquille vide, qui se nourrit du spectacle des émotions des autres. Et elle fait preuve, paradoxalement, d'une grande perspicacité dans son décryptage du comportement des individus, possède une sorte d'instinct pour deviner leurs failles, percer à jour leurs secrets.
L'intrigue est un habile jeu de miroirs dont on finit par ignorer de quel côté on se trouve. En évoquant Sophie, les personnages parlent aussi et surtout d'eux, comme si sa simple évocation les poussait à se livrer, comme si même absente, ils sentaient sur eux le regard de la caméra guidée par son intuition puissante d'autrui. Et en même temps, on comprend que filmer la vie, dans ce qu'elle a de plus intense, est un moyen pour Sophie d'essayer de comprendre et d'exprimer ce qu'elle est, même s'il n'est pas certain qu'elle y parvienne...
"Vie et mort de Sophie Stark" est un roman prenant et maîtrisé, à l'écriture fluide, qui se lit avec beaucoup de plaisir. Son héroïne singulière acquiert au fil des pages une dimension réellement touchante.
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