Reno aime la vitesse. La photographie. Le land art*.
Cette ancienne championne de ski a délaissé les pistes enneigées pour les routes de l'Utah, qu'elle parcourt à moto à destination de la plaine de Bonneville.
Cette vaste étendue de sel est chaque année le théâtre d'un concours de vitesse auquel elle a l'intention de participer pour la première fois, et d'y mêler ses trois passions, en filmant les traces que laissera son engin lancé à toute vitesse pour en faire une œuvre d'art.
Au gré d'une chronologie parfois bouleversée -mais jamais déstabilisante, le fil de l'intrigue étant parfaitement maîtrisé-, nous la suivons de Bonneville à Manhattan, des États-Unis à l'Italie. Cette jeune étudiante a en effet quitté son Nevada natal -qui lui a valu son surnom- pour la frénésie new-yorkaise, et la possibilité d'approcher le monde de l'art. Nous sommes dans les années 70, les jeunes artistes occupent des loft au loyer modique dans le quartier de Soho. Rompant avec les valeurs et le mode de vie de pères riches et puissants, une partie de la jeune génération se plait à mener une existence bohème, et à afficher ses sympathies gauchistes. C'est le cas notamment de Sandro, artiste d'avant-garde et héritier de l'empire Valera, famille italienne redevable de sa sa fortune à un aïeul féru de motos, qui décida de créer son propre modèle. Attiré par la fraîcheur de Reno, il séduit la jeune femme.
La narratrice porte sur cet univers qu'elle découvre un regard à la fois curieux et ouvert, donne le sentiment qu'elle essaie de capter une énergie par laquelle elle pourra se laisser porter.
Mais dans ce milieu qui cultive l'ironie et le second degré permanent, où la plupart des individus semblent se mettre en scène, rares sont les relations sincères et profondes...
Il n'empêche que "Les lance-flammes" est un roman foisonnant, en mouvement permanent, dont l'auteure, à l'image de son héroïne, aime prendre des risques, en multipliant les perspectives. Aussi, elle mène son lecteur d'une époque à l'autre, entrecoupant le récit de l'éducation amoureuse, artistique et intellectuelle de Reno d'épisodes où elle met en scène l’aïeul Valera, du cœur du premier conflit mondial à la jungle sud-américaine où, quelques années plus tard, il supervise la récolte du caoutchouc pour le compte de son empire naissant...
Elle n'hésite pas, de même, à nous faire franchir les frontières culturelles et sociales, tantôt assistant à la dernière exposition de quelque nouveau talent dans une galerie new-yorkaise avant-gardiste, et tantôt plongés au sein des affrontements opposant les forces de l'ordre aux jeunes romains en colère, dans l'Italie des années de plomb.
Reno est le fil conducteur qui, au gré des événements et de ses impulsions, nous entraîne dans un tourbillon dont Rachel Kushner contrôle parfaitement la dynamique.
C'est dense et passionnant...c'est A LIRE !
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