Il en est des relations que les lecteurs entretiennent avec les écrivains, comme des amitiés, des amours que l'on expérimente dans la "vraie vie".
Il y a celles qui dureront toute une vie, et celles qui n'excéderont pas le temps d'une saison...
Il y les fidèles et les frivoles, les incompréhensibles et les évidentes, les orageuses ou les sereines...
C'est une relation d'une nature inconditionnelle, peut-être irraisonnée, qui me lie à Percival Everett. Je crois qu'il pourrait bien me raconter n'importe quoi, une indéfectible et docile bienveillance me pousse à gober toutes ses paroles...
J'aime son intelligence et son humour, ses humeurs politiquement incorrectes, j'aime même le manque de retenue qui, parfois, préside à ses colères...
"Percival Everett par Virgin Russell" est peut-être à ce jour le roman le plus personnel que j'ai lu de cet auteur, et peut-être aussi, du coup, celui où il se montre le moins en colère. Il y aborde, en même temps que celui de la filiation, un sujet ô combien intime, celui de notre rapport à la mort. Celle de nos proches (en l'occurrence ici celle du père, que l'auteur a perdu en 2009), et plus généralement l'évidence de celle à venir, pour chacun de nous.
Une mort que Percival Everett a trouvé le moyen de tenir à distance, stylistiquement du moins : son récit tourne autour, flirte avec le cœur du sujet pour ensuite s'en esquiver, constamment. Par une intrigue sans cesse renouvelée, "rafraichie" par des changements de narrateur, les histoires s'imbriquant les unes dans les autres, on a ainsi l'impression d'un éternel recommencement...
Plongé dans une enchainement de pirouettes narratives, de passages parfois rhétoriques qu'allège une humour omniprésent, le lecteur se sentira peut-être parfois un peu perdu, mais peu importe, la découverte d'un roman de Percival Everett reste toujours un plaisir. En grande partie grâce à sa capacité à mêler savamment l'érudition et la réflexion à l'auto dérision, comme pour nous rappeler que les sujets les plus graves peuvent être évoqués intelligemment sans pour autant se prendre au sérieux.
Et ne vous fiez pas à l'apparent désordre qui régit l'intrigue. On devine, derrière, un dessein. La volonté aussi bien par la forme que par le fond, de nous faire toucher du doigt la dimension à la fois existentielle et dérisoire, intime et universelle, des tragédies individuelles. Tout cela avec la malice et la dextérité qui permettent à l'auteur de jongler avec le sens des mots, pour manier un humour dont lui-même est parfois la cible.
Bref, une fois de plus, j'ai adoré...
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