Je croyais à tort que ces nouvelles étaient d'inspiration nihiliste : j'aurais mieux fait de relire les notes de mes précédentes lectures du psychanalyste-anthropologue belge. Et celle d'Antonin ci-dessous, avec qui je partage l'essentiel du ressenti.
J'en suis venu à la conclusion suivante sur les fictions de Declerck : tout en puisant son pessimisme et sa noirceur dans la philosophie allemande (pas que Nietzsche et Schopenhauer - que je retrouve moins - mais surtout Heidegger dans la persistance du concept du Dasein), l'efficacité de sa prose se mesure à sa capacité à faire appel aux émotions les plus archaïques du lecteur - une démarche assez anti-philosophique au demeurant. Émotions archaïques tels l'angoisse de la mort, l'immanence du sens moral, le Dasein, justement, c-à-d la condition de l'existence dans la conscience de la possibilité constante de sa propre disparition. Autre recours stylistique très efficace : le déplacement de la perspective du narrateur, qui peut devenir un animal (ex. morpion ou cochon) mais doté de conscience humaine. Deux vieux trucs des contes philosophiques, me (lui) rétorquera-t-on, mais quelle puissance et quelle originalité !
Comme Antonin, j'ai apprécié particulièrement les trois nouvelles les plus longues, la première ("Auschwitz sandwichs") sur la mort du grand-père, "Le camp du Gai Savoir", sur l'imposition concentrationnaire d'un certain progrès intellectuel, et j'ajoute "Allah Akbar", biographie d'un tortionnaire américain.
"Une petite vie", récit extrêmement bref d'une naissance suivie d'infanticide, selon la perspective du fœtus-avorton, possède aussi une très percutante charge d'horreur. A noter aussi, en contrepartie absolue, "Tu venais de loin", nouvelle d'une douceur infinie sur les rapports du narrateur à son oiseau en cage.
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