[Tex. Mensuel n° 450-451-452, Mission spéciale ; Opium ; Le retour du Morisco | Gianluigi Bonelli ; Aurelio Galleppini]
Voici un Tex mensuel version française original puisqu’il assemble trois histoires de deux scénaristes et de trois dessinateurs différents. Le premier récit, « Mission spéciale », est la suite et la fin du numéro 449, « Les hommes qui tuèrent Lincoln », aventures du ranger texan parues initialement en mars et avril 1998 en Italie. L’histoire imaginée par Claudio Nizzi tient toutes ses promesses. Elle tient en haleine le lecteur jusqu’au dénouement à Washington. Les huiles concernées par l’assassinat de Lincoln ont le bras long, voire tentaculaire. Elles doivent empêcher les rangers d’aller remettre à l’actuel président des Etats-Unis les documents dénonçant les commanditaires du meurtre de Lincoln. Du ranchero Bill Butler faisant la pluie et le beau temps sur le terrain, au sénateur Wallace disposant des agents des services secrets du gouvernement, la marge de manœuvre de Tex Willer et Kit Carson est plus qu’étroite. Tex a beau deviner et devancer les manigances d’une clique aux ordres, l’étau se referme inexorablement et sans une part de chance, les rangers auraient peu d’espoir de s’en sortir vivants. Bien que le graphisme de Jose Ortiz se soit épuré, il reste un régal visuel de force et de dynamisme. La mise en page et les cadrages du grand Ibère, la puissance de son trait procurent du plaisir à la lecture.
Opium !, l’aventure suivante, du même scénariste, est tenue par Andrea Venturi aux pinceaux. Dans la banlieue de Gunnison, dans le Colorado, une troupe de comédiens ambulants n’honore pas sa dernière représentation programmée et reprend la route à la nuit tombée sous une pluie battante. Un des acteurs vient de poignarder un ranger qui fouinait après le trafic d’opium sévissant dans la région. Le tueur n’est pas simplement investi dans le marché de la drogue, il est aussi l’amant d’Eva, la femme du directeur de la troupe du Morgan Theater. Tex Willer et Kit Carson sont dépêchés sur place afin d’enquêter sur la mort tragique du ranger. Rapidement, ils pistent les roulottes et atterrissent à Montrose où se tiendra une nouvelle représentation théâtrale mais le chef de la pègre chinoise locale qui a la main sur le trafic de l’opium, Wuang Ching, décide de piéger le théâtre et d’assassiner les rangers présents dans la salle. L’histoire imaginée par Claudio Nizzi se joue de la réalité et de la représentation quand par exemple les acteurs sur scène tirent à balle réelle. Le graphisme de Venturi est élégant, souple et précis. La vie d’Eva Morgan est tragique.
La dernière histoire de Boselli et Letteri est étonnante puisqu’elle démarre auprès des pyramides égyptiennes avec la découverte de la tombe d’un médecin et prêtre, Akhran. Les fils d’Horus, une secte xénophobe voit d’un mauvais œil les fouilles archéologiques, véritables profanations et pillages de vénérables sépultures. Alors que la momie s’évanouit de son sarcophage, les fellahs qui accompagnaient les deux archéologues sont retrouvés morts avec le visage marqué par la terreur. Bien des années plus tard, dans le désert de l’Arizona, Tex et Kit prennent en chasse Raza, un kidnappeur d’enfants. Au musée de Chicago, l’archéologue maintenant âgé voit surgir Akhran venu réclamer son dû. Le rapt et le retour du nécromancien semblent avoir partie liée.
Si le dessin de Letteri peut paraître naïf au premier coup d’œil, il finit par accaparer l’attention et apporter du plaisir à la lecture d’une histoire intrigante.
Dans l’ensemble, le Tex nouveau est un bon cru. Peut-être s’agit-il de l’avant-dernier à paraître aux éditions Clair de lune ? Sur le blog de l’éditeur, les questions des aficionados demeurent sans réponse. Il s’agirait d’une énième entreprise avortée de publication des aventures de Tex en France et les choix éditoriaux sont critiquables. Quand un Tex regroupant trois aventures coûte 15,90 € chez nous, en Italie, le n° vaut 3,20 € soit 9,60 € au total avec en prime trois superbes couvertures couleur dessinées par Claudio Villa. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Pourquoi ne pas avoir publié des auteurs comme Cestaro ou Andreucci en lieu et place de Diso ou Fusco ? Pourquoi avoir édité le Prophète Hualpai, chef-d’œuvre de Mastantuono, paru initialement en grand format, dans une version réduite ? La liste des questions est aussi longue qu’un jour sans pain et les réponses ne viendront jamais. Reste que les aventures du ranger texan sont délectables, avec ou sans pain.
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