Je suis positivement énervé contre cet essai dont j'arrête la lecture à 2/3. Je comprends mieux à présent les critiques de Belinda Cannone et de Nancy Huston contre les études féministes états-uniennes i.e. ce qu'on appelle avec trop de désinvolture la "théorie du genre". Cet ouvrage, qui utilise un protocole scientifique impeccable pour en faire état du point de vue philosophique, révèle en effet leur caractère complètement
SPÉCIEUX.
L'introduction m'apprend avec plus de précision à distinguer entre
sexe biologique (chromosomique + gonadique + hormonal),
genre - fruit de la socialisation et de l'éducation différenciées, historiquement et anthropologiquement produit et reproduit, et
sexualité. Ensuite j'apprends aussi avec intérêt que la notion de genre fut introduite non par des féministes mais par l'équipe médicale du Dr. John Money qui, dans les années 1950, s'occupait des "traitements" des hermaphrodites.
Je comprends ensuite, dans de longues pages consacrées aux épistémologies féministes, que les philosophes américaines se sont très largement inspirées de Michel Foucault et de Deleuze - Guattari pour élaborer des théories reposant sur le grand ensemble des critiques de la domination, notamment dans la production du savoir.
Je commence à m'énerver lorsque l'on se sert avec imbécillité d'une étude urologique allemande sur un sujet très précis relatif aux formes des pénis pour essayer de remplacer la binôme masculin-féminin par un très improbable continuum, sous prétexte d'historiciser la notion de sexe biologique... Je m'agace davantage lorsqu'on réclame une épistémologie sexuée avec, par ex. une ridiculissime éthique du "
care". Vive Cannone et une intelligence-production intellectuelle-pensée asexuée ! Je hurle lorsqu'on prétend réclamer un bouleversement de paradigme (au sens popperien) qui balayerait d'un revers de main la théorie freudienne de l’œdipe et l'anthropologie structuraliste de Lévi-Strauss (et Françoise Héritier bien sûr) - rien que ça... alors que Lacan avait déjà "historicisé" très finement le concept du Père et du "nom du Père" - mais qu'à cela ne tienne... Je souris jaune lorsque je constate que ces mêmes philosophes américaines s'emmêlent les pinceaux dès lors qu'elles s'interrogent sur l'enchevêtrement entre dominations racistes, classistes et sexistes : il ne suffit pas d'être une femme pour s'ériger en sujet politique - ni pour être une victime exempte à son tout de domination : tiens, tiens quand on prétend voler haut et qu'on tombe dans l'infantilisme de la pensée... Je m'irrite de nouveau très fort lorsqu'on fait mine de prendre au sérieux la "praxis
queer" érigée en "philosophies de l'identité"... et là, je me dis que je n'ai plus de temps à perdre dans ma courte vie de lecteur.
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