Badenheim, ville thermale d'Autriche, s'apprête en ce printemps 1939 à accueillir le festival de musique qu'y organise chaque année l'imprésario Papenheim, qui montre comme d'habitude un empressement inquiet à l'idée que des musiciens lui fassent faux bond.
Les estivants présents, issus pour la plupart de la bourgeoisie, y ont également leurs habitudes. Les discussions se tiennent autour d'une pâtisserie ou d'un thé pris à l'hôtel, les jardins du Luxembourg accueillent les promeneurs...
Seule Trude, la femme du pharmacien, prise depuis quelque temps d'une mélancolie morbide, ne goûte pas la gaieté du printemps qui s'annonce.
Suite à l'intrusion dans l'euphorie et l'agitation ambiantes, de représentants des services sanitaires, l'angoisse et la suspicion s'infiltrent subrepticement, et l’atmosphère des lieux peu à peu se délite, se pare d'un caractère délétère.
Les juifs sont invités à se faire recenser ; bientôt, les portes de la ville sont barricadées, ses occupants mis en quarantaine et les rumeurs d'un prochain transfert en Pologne alimentent la plupart des conversations....
"On avait l'impression qu'un autre temps, différent du temps régional, pénétrait dans la place et s'installait en silence".
Quel choc que cette lecture ! Et quel talent que celui d'Appelfeld qui nous livre avec ce roman un texte fort original, et profondément marquant. Pour exprimer l'horreur de la déportation, il prend le parti de la dérision et de l'absurde. La façon dont il met en scène ses personnages a un côté presque théâtral.
Chacun semble en effet jouer un rôle -celui de l'aristocrate coincée, du représentant de commerce obnubilé par l'argent, du savant renfrogné, ...- dans une pièce qui aurait été écrite d'avance, où la frivolité, et la volonté constante de faire preuve d'esprit camouflent à peine le malaise ambiant qui rendent les attitudes comme factices. Comme si l'important était de donner le change, de maintenir son rang, en dépit de la pénurie grandissante de nourriture, et des morts que l'on commence à déplorer...
Aharon Appelfeld semble ainsi vouloir non seulement fustiger l'absurdité macabre d'un système qui est parvenu à institutionnaliser la stigmatisation, mais aussi regretter l'aveuglement qui en a, peut-être, facilité l'application.
En utilisant ce ton si particulier, à la fois burlesque et sordide, il parvient à nous livrer un récit glaçant, à l'ambiance enveloppante et étrangement oppressante.
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