Doña Isabel ou la Véridique et Très Mystérieuse Histoire d'une Créole perdue dans la forêt des Amazones / Mouchard Christel. – 2e éd. – Paris : Editions Points, 2013. – ISBN 978-2-7578-3474-9. – Col. Grands romans, P 3037
La page de titre l'indique, ce livre est un roman. Mais si Christel Mouchard a choisi cette forme littéraire, son travail est pourtant bien documenté : en particulier, elle est le premier auteur de langue française à utiliser le contenu de l'enquête menée dans l'audience de Quito entre mai et décembre 1770 : "Sobre la perdida de la familia de don Pedro Grameson en la provincia de Mainas". Elle reprend pourtant une inexactitude en évoquant une « disparition » de Morainville qui n'a jamais eu lieu, et il me semble qu'au début de son épilogue elle confond Louis XV et Louis XIV.
La matière de son roman, c'est la dramatique descente de l'Amazone par Ysabel Grameson Godyn (c'est ainsi qu'elle signe d'après un document conservé par un descendant des proches du couple) en 1769/1770, lorsqu'elle entreprend de rejoindre son mari, Jean Godin, Saint-Amandois d'origine, installé à Cayenne depuis vingt ans. D'autres notes de lecture, en particulier celle concernant "Le procès des étoiles", de Florence Trystram, évoquent cet événement porté à la connaissance du public par Charles-Marie de La Condamine, qui fait publier la lettre par laquelle Jean Godin le lui raconte fin 1773 ou début 1774. Cette "Lettre de Monsieur Godin des Odonais" sera rééditée, y compris en 2009 sous le titre "La naufragée des Amazones" par les Editions François Chaudun.
Entre le départ du village de Canelos d'Ysabel et de sa suite, et l'arrivée d'Ysabel, que l'on croyait morte comme ses proches et plusieurs serviteurs, à la mission d'Andoas, la chronologie de certains épisodes est un peu floue. La vie d'Ysabel pendant les vingt ans de séparation avec son mari est très peu documentée. C'est ce qui laisse à Christel Mouchard un espace (ou plutôt un temps) pour développer sa fiction. Elle imagine La Condamine, dévoré de curiosité devant les imprécisions du récit de Jean, passer à Saint-Amand deux jours et la nuit qui les sépare, et repartir enfin dépositaire des secrets gardés par Ysabel.
Je ne suis plus un grand lecteur de romans, mais j'ai beaucoup aimé l'utilisation par Christel Mouchard de la réputation faite à La Condamine pour construire son personnage, moteur de la dynamique du récit, qui m'a maintenu jusqu'à la fin dans l'attente de la clôture du récit. Je suis plus réservé sur un ou deux éléments de la fiction dont le romanesque me paraît plus proche du romanesque des romans populaires que de celui des romans « d'auteur » (préciser davantage risquerait de priver d'éventuels lecteurs d'une partie du plaisir que ce livre peut leur procurer).
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