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[Musulmanes et modernes | Nilüfer Göle]
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Posté: Sam 08 Fév 2014 2:10
MessageSujet du message: [Musulmanes et modernes | Nilüfer Göle]
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Cet essai extrêmement dense, érudit et plutôt difficile d'accès, a pour thème la position absolument centrale de le femme dans la dialectique entre islam et modernité-laïcité dans la Turquie du XXe siècle. Le voile est pris comme emblème de cette dialectique, et l'apparition, à partir des années 80, d'un nouveau type sociologique de femme voilée, islamiste et moderne à la fois (possible ou impossible synthèse ?), est prise en compte. Il faut préciser que la première publication de l'ouvrage remonte à 1991 (1993 pour la 1ère éd. Française) et que l'avant-propos ainsi que la postface de 2003 ne considèrent pas l'évolution récente de cette problématique, nécessairement influencée au plus haut point par l'accession au pouvoir, ininterrompue depuis novembre 2002, du parti islamico-conservateur-libéral.

Le discours s'articule dans les parties suivantes :
0. Introduction : « L'Orient et l'Occident » - En considérant très opportunément cette dichotomie comme étant en réalité une dialectique entre quatre paramètres, compte tenu des représentations réciproques respectives, le cadre est posé dès le début de la confrontation assez particulière (ni coloniale ni extra-européenne à l'époque) de l'Empire ottoman avec la modernité (période des Tanzimat, 1839-1876), ainsi que de l'incompatibilité de celle-ci avec l'identité musulmane émanant de la tradition. L'affrontement découle du choix entre deux sociétés au sein desquelles la place de la femme est incompatible : ségrégation sexuelle et relégation dans la sphère de l'intime (mahrem) d'une part, mixité dans l'espace public de l'autre.

1. « La femme, pierre de touche de l'occidentalisation » - Cette incompatibilité étant posée, la période des Réformes est marquée par une multiplicité de positions différentes tendant à chercher un équilibre entre l'aspiration au progrès et l'héritage culturel et religieux. Naturellement, la conception même de l'occidentalisation est mise en cause ainsi que la place de la femme dans une société à imaginer, processus dans lequel interviennent aussi certaines personnalités intellectuelles féminines qui, du seul fait de leur prise de position, bouleversent déjà les frontières entre privé et public (mahrem/namahrem).
Dans la période de la Deuxième Constitution (1908-1919), trois courants de pensée se profilent qui ont chacun sa vision sociétale : islamiste, occidentaliste et turquiste. Les auteur-e-s représentant ce débat témoignent tous de la centralité de la question qui nous concerne, et certains font preuve d'un sentiment égalitariste qui ne se retrouvera plus ensuite... En même temps, du côté de la praxis, les avancements se poursuivent avec la mixité des cours universitaires (déjà!) et des organisations féminines dans le cadre associatif, alors que par ailleurs la ségrégation de l'espace public subsiste. À noter que le gouvernement Jeune-turc semble marquer un recul par rapport à l'émancipation vécue sous Abdülhamit.
Du côté littéraire et intellectuel, c'est déjà à cette époque-là que surgissent les premières critiques contre une occidentalisation qui est jugée superficielle (« snobisme à la franga ») et signe d'un clivage de classe ; l'occidentalisme élitiste et cosmopolite ottoman est opposé à une « authenticité anatolienne » prônée par le nouveau nationalisme, y compris celui de la première féministe républicaine : Halide Edip Adivar qui annonce la femme kémaliste.

2. « Le kémalisme, un projet de civilisation » - Malgré les critiques intellectuelles, le politique choisit et impose une forme de modernisation (parmi toutes les autres possibles) qui intégrera les contradictions contenues dans la dichotomie conceptuelle occidentale : « civilisation » vs. « Kultur ». Du premier concept, le kémalisme retirera, avec une rare violence totalitaire, tous les aspects de la « vie privée » - modes de vie, musique, mode vestimentaire, plage, danse, lieux et formes de loisirs – visant à la suppression du mahrem et de l'influence du clergé ; d'autre part, par le truchement d'une nouvelle élite bureaucratique face au Sérail, il favorise le nationalisme anatolien (Kultur) contre le cosmopolitisme ottoman, un nationalisme fondé au demeurant sur une identité turque largement imaginaire.
« Mais définir l'idéal de civilisation comme une occidentalisation alors que l'idéologie populiste se cherche des racines anatoliennes, c'est créer un conflit potentiel » (p. 59). En effet, au-delà de l'imaginaire, ces racines se composent essentiellement de l'héritage traditionnel religieux. [Voici pourquoi ce qui règne aujourd'hui, après 90 ans de modernisme autoritaire et trois coups d'Etat militaires (sinon 4), ce sont deux sous-produits involontaires du kémalisme : le mouvement islamiste actuellement au pouvoir et une idéologie nationaliste d'extrême droite. Ça, c'est moi qui le dis.]
Dans ce cadre, et grâce à une conception très intellectuelle, l'idéal de la femme kémaliste se forme sous les traits d'un mythe auto-réalisateur que je définirais presque soviétique : la femme ayant partagé les souffrances du peuple lors de la guerre d'Indépendance et œuvrant pour lui être utile, en s'instruisant afin de l'instruire, en travaillant en tant qu'infirmière ou institutrice, est surtout la mère éducatrice d'une nouvelle génération émancipée de la religion et de toute autre trace de mémoire historique...
En contrepartie de son accession à l'espace social (l'éducation mixte et le Code civil l'y aidant), elle s'astreindra spontanément à une neutralisation de son identité sexuelle : « Les femmes […] sont donc obligées de prouver qu'elles sont vertueuses, inaccessibles, c'est-à-dire qu'elles ne menacent pas la morale sociale. […] La femme éduquée, exerçant une profession est revalorisée […] mais c'est au prix de son « asexuation », voire même de sa virilisation. […] la femme kémaliste a certes rejeté son voile, mais c'est pour « voiler » sa sexualité. » (p. 82). Cela se retrouve jusque dans la langue, dans la manière dont l'on s'adresse couramment à une femme. C'est ainsi qu'un roman d'Adalet Agaoglu, auteure féministe importante, sur l'émancipation d'une intellectuelle face à sa féminité, Se coucher pour mourir, se termine par le suicide de l'héroïne.

3. « Le voile, symbole de l'islamisation » - Pourtant, vers la fin des années 70, les femmes turques manifestent le désir de se revoiler. L'Occident, fortement marqué par la révolution iranienne, prend cela pour de l'hystérie ou pour une injure machiste. Pour tous, le voile devient le symbole de l'irréductibilité de la différence entre civilisations : l'on jauge les doses de religieux et de politique contestataire impliquées. L'on ergote sur la femme musulmane traditionnelle et soumise. Mais voilà : ces femmes qui se voilent se mettent au premier plan des manifestations politiques, elles se situent donc aux antipodes de la ségrégation assignée et de la tradition ; ce sont des étudiantes d'université qui évoluent au sein même des forteresses de la modernité et de la laïcité ; elles aspirent pour la plupart à une activité professionnelle citadine et bourgeoise ; leur islamisme ne saurait se réduire à une pratique sociale de « réaction » (vs. Bernard Lewis) et, loin d'être imposé, il déçoit d'ailleurs les espérances de leur entourage (mariage précoce et « bon parti ») ; enfin leur éducation religieuse elle-même (jusque leur manière de se voiler) n'a absolument rien de traditionnel. En fait, « les femmes islamistes font partie de ce courant radical qui tente de créer un nouveau système alternatif entre la critique du traditionalisme musulman et celle du modernisme occidental. » (p. 99).
C'est aussi dans cet esprit que le voile acquiert un sens nouveau, d'ordre beaucoup plus sexualisé, à l'intérieur de la dichotomie mahrem/namahrem, rendant paradoxalement l'espace public plus accessible aux femmes voilées, par un détournement des termes de la ségrégation traditionnelle (cf. la parenté sémantique : mahrem-haram).
Mais de même que les positionnements idéaux de l'islamisme contemporain sont multiples (à l'instar de ceux du modernisme pré-kémaliste) – en particulier sur les motivations des femmes à exercer une activité professionnelle, sur l'utopie islamiste de l'âge d'or (Asr-i Saadet), sur la différence tactique entre islamisme culturel et politique (aussi éloignés l'un de l'autre que « civilisation » l'est de « Kultur ») - de même, dans la pratique sociale, les femmes islamistes sont poussées par des stratégies personnelles diverses. Paradoxalement, la modernité de ces femmes voilées prime sur leur appartenance identitaire, en ceci qu'elles se caractérisent par leur individualisation et, ce faisant, elles redéfinissent l'identité même de la femme musulmane. [Les féministes occidentales peuvent-elles en dire autant de la leur?].

Conclusion : « La part obscure de la modernité » - Les raisons du succès de cet islamisme qui, dans toutes ses variétés, se fonde quand même sur une critique de la modernité occidentale (dont il ne se dispense pas de connaître aussi les sources occidentales : Heidegger, Feyerabend, Marcuse, Deleuze, et Guattari, Illich – « si cela continue, ce sont les musulmans qui revendiqueront les événements de 68, l'école de Francfort, l'antipsychiatrie » dit Ruşen Çakir, cité en note p. 125), ont trait à une modernisation turque fondée sur « une idéologie nationaliste […] incompatible avec le pluralisme fondé sur la société civile. [… sur] un projet de civilisation qui a œuvré à l'encontre de la mémoire, du tissu social, des appartenances et des valeurs traditionnelles. » (p. 153). L'islamisme « recrée collectivement l'identité musulmane effacée des mémoires par le modernisme et la fait réapparaître en tant qu'acteur social. » (p. 153). Il est à même d'éliminer le hiatus (et le mépris) entre les élites occidentalisées et le peuple musulman « à faible historicité ».

Postface à l'édition de 2003 - « Le port du voile n'est donc pas la marque d'une soumission passive aux normes communautaires prévalentes, il affiche un engagement personnel des femmes. » (p. 168). Leur engagement, c'est de se permettre une triple critique : 1. contre les traditions assujettissantes de la religion (par une relecture des Textes) ; 2. contre la modernité occidentale ; 3. contre l'enfermement que désormais les laïcs voudraient leur imposer. « En effet, le foulard des grands-mères ne pose pas de problème ; car ces dernières, à la différence de leurs petites-filles, ne franchissent pas le seuil du foyer, ne questionnent pas leur rôle de femme d'intérieur et surtout ne revendiquent pas un rôle actif dans la vie publique. […] Ce qui pose problème, c'est l'incursion des références islamiques dans les espaces créés et régis par les valeurs laïques et libérales de la modernité. » (p. 169-170).
[Sur quoi je ne peux m'empêcher de trouver un petit air de ressemblance avec nos propres problématiques nationales de voiles et de banlieues, à condition de faire juste réapparaître l'adjectif « nationalistes » (ou « autochtones » ou « chauvines ») entre « laïques et libérales ».]

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Posté: Sam 08 Fév 2014 3:11
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Note de lecture riche (très ! ) et foisonnante. Je suis un peu sonné justement par cette richesse et ne sais trop quoi commenter alors que j'aurai certainement beaucoup de choses à dire. Car il se trouve que je connais (un peu) la Turquie pour y être allé dans les années 70 et y avoir vécu plusieurs mois . Cela m'est très difficile de donner un avis clivant, tranchant. Ce que tu dis par exemple sur le repliement nationaliste comme opposition à l'occidentalisation, autrement dit à la modernité (entendue au sens occidental de la modernité) je l'ai retrouvé (on la retrouve !!! aujourd'hui et depuis au moins Pierre le Grand) en Russie (à l'époque URSS).
Le parti au pouvoir , islamiste donc , serait un parti d'extrême droite ? (tu le note). A voir. Car il existe de vrais nationalistes d'extrême droite en Turquie qui sont issus de la mouvance kémaliste :les Loups gris par exemple.
C'est un pays complexe. Je n'y suis pas retourné depuis 1972. Je pense que je ne le reconnaîtrai pas. A l'époque c'était encore un pays du Tiers-monde ou tout comme. L'armée était au pouvoir et la religion était strictement confinée à la sphère privée même si l' on ne pouvait ignorer que l'islam était la religion dominante. Mes amis à Istanbul étaient juifs et je n'ai jamais senti chez eux le désir d'émigrer en Israel. Il y avait quand même , généralisé, la réprobation de l'athée (j'ai eu l"audace" de me déclarer athée une fois devant des amis turcs, ils ne comprenaient pas...)

Très peu de femmes voilées, même en Anatolie ; mais par contre toujours réduites au statut de bêtes de somme. Statut universellement partagé dans beaucoup de pays du Tiers-monde.

Intéressant cette optique de voir dans l'Empire Ottoman un "universalisme" (je raccourcis car je n'ai pas relevé les termes exacts) qui s'opposerait au "nationalisme anatolien". C'est le pendant de l'universalisme de l'empire des Habsbourg qui s'est opposé aux forces centrifuges des nationalismes particuliers des hongrois,roumains,polonais...etc. Et pourtant quels plus beaux ennemis que l'empire Ottoman et l'empire Habsbourgeois !

Bon dimanche à toi Apo.
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Posté: Sam 08 Fév 2014 9:57
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Bonjour l'Ami-read,
j'ai dû ne pas être clair sur plusieurs points ; j'en précise d'autres aussi.
1. L'opposition à l'occidentalisation, en Turquie, est le fait de l'islamisme et non du nationalisme. Ce dernier, sous forme de kémalisme, a été au contraire la forme adoptée (au final) de l'occidentalisation-modernisation : la plupart des Turcs le considèrent d'ailleurs comme la seule forme de modernisation possible - ce que ce livre dément (à juste titre). Pour la Russie, par contre, tu as certainement raison - dans le fait comme dans la datation (et l'URSS n'y a rien changé, ni la suite d'ailleurs...).
2. J'ai affirmé que le kémalisme a provoqué deux sous-produits involontaires : l'islamisme ET un nationalisme d'extrême-droite. C'est le premier qui est au pouvoir depuis 2002. Le deuxième est toujours latent ; mais quand même bien présent au niveau de "l'Etat profond" ("derin devlet") comme le prouve, encore récemment, l'assassinat du journaliste arménien Hrant Dink.
3. C'est vrai, en 1972, l'exode massif des minorités avait déjà eu lieu : la dernière vague remontant sans doute à 1955-56. Certes, il y a eu encore des Juifs qui ont émigré en Israël ensuite, des Grecs en Grèce, des Chaldéens en France et en Belgique, etc. etc. Mais ce n'était plus dû à des pressions étatiques ou des déferlantes de xénophobie "populaire".
4. Effectivement, tu aurais du mal à reconnaître la Turquie actuelle : beaucoup de femmes voilées et néo-voilées dans les grandes villes, l'Anatolie dépeuplée, le tiers-monde occulté par un taux de croissance économique à deux chiffres depuis longtemps ; il reste juste des drapeaux et des bustes d'Atatürk partout - mais on se demande pour combien de temps encore... Par contre être athée est encore très mal perçu, presque comme être communiste (l'amalgame existant d'ailleurs).
5. A mon avis, tous les empires possèdent nécessairement une part d'"universalisme" que les états nationaux ont sacrifié sur l'autel du nationalisme cruel et sanglant... Je ne suis pas très fan d'universalisme mais je le préfère encore au nationalisme et je reconnais un charme, un humanisme et une générosité tout à fait spéciaux à l'Empire ottoman, suivi dans mes préférences effectivement par l'habsbourgeois ; quant aux autres : romain, britannique, prussien, russe, espagnol, chinois, mongol, les voilà placés en ordre de sympathie décroissant... ! Comme tu vois, Napoléon, je ne le cite même pas.
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Posté: Sam 08 Fév 2014 13:11
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Effectivement si tu me dit que l'islamisme est un frein à l'occidentalisation je ne peux qu'être d'accord. On le voit d'ailleurs dans d'autres contrées de religion musulmane. Il n'empêche que l'islamisme s'est tout à fait accordé avec certains attribut de la modernité : la technicité, le capitalisme...Il rejette par contre toute modification "sociétale" liées à la religion, donc pas de laïcité. Ne parlons pas du statut de la femme...

Quant aux empires.... Versons juste une larme pieuse sur l'Ottoman ; car c'est vrai qu'il accordait une grande liberté religieuse aux peuples soumis, mais il ne faut pas oublier la force obscure de La sublime Porte : massacres de récalcitrants , rapts d'enfants pour en faire des janissaires, impôts spéciaux pour les non-musulmans. Comme tout empire il a perduré grâce à la force et par la manipulation des différents peuples soumis au gré de la politique. En Valachie et Moldavie le peuple a conservé sa foi orthodoxe mais la classe dirigeante et les collecteurs d'impôts étaient grecs ! ce qui n'a pas empêché le peuple grec de se révolter à son tour. Mais c'était l'époque où l'empire n'était plus que l'homme malade de l'Europe.

Tu as peut-être raison le" meilleur" (l'un des meilleurs...) empire était le romain. On ne demandait aux peuples vaincus que contributions aux richesses de Rome et culte à l'Empereur. Il y avait une vraie promotion des élites. Les nations n'étaient pas formées mais il me semble que le nationalisme était quand même déjà à l'oeuvre car qu'est-ce la révolte de Jugurtha sinon une révolte "nationaliste" berbère ? Je ne parle même pas de la conquête de la Gaule ! (tiens les smileys sont désactivés....).
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Posté: Sam 08 Fév 2014 15:52
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« amiread1 » a écrit:
Effectivement si tu me dit que l'islamisme est un frein à l'occidentalisation je ne peux qu'être d'accord.

Non, ce n'est pas ce que je dis : je dis qu'il critique la modernité occidentale de façon théorique et qu'il se veut porteur d'un dessein sociétal différent. Mais sur le plan de l'appropriation des attributs de la modernité, évidemment, on est hélas d'accord. Cela vaut pour l'empire financier de la famille Ben Laden, comme de la famille Erdogan... Les derniers scandales de corruption depuis décembre dernier en font foi. En Turquie, le néolibéralisme est absolument impressionnant.

« amiread1 » a écrit:
Ne parlons pas du statut de la femme...

Là, c'est beaucoup plus compliqué qu'il n'y paraît. Cf. Zehra Ali Féminismes islamiques Ce livre-ci le démontre aussi, justement, de façon très convaincante.

« amiread1 » a écrit:
Quant aux empires.... Versons juste une larme pieuse sur l'Ottoman ; car c'est vrai qu'il accordait une grande liberté religieuse aux peuples soumis, mais il ne faut pas oublier la force obscure de La sublime Porte : massacres de récalcitrants , rapts d'enfants pour en faire des janissaires, impôts spéciaux pour les non-musulmans. Comme tout empire il a perduré grâce à la force et par la manipulation des différents peuples soumis au gré de la politique. En Valachie et Moldavie le peuple a conservé sa foi orthodoxe mais la classe dirigeante et les collecteurs d'impôts étaient grecs ! ce qui n'a pas empêché le peuple grec de se révolter à son tour. Mais c'était l'époque où l'empire n'était plus que l'homme malade de l'Europe.

Oui, c'est cela : il ne faut pas confondre les époques. Les massacres de Chios, c'était une petite bataille dans le cadre de la préservation de l'intégrité territoriale par ailleurs bien menacée... La question arménienne, c'est une longue affaire bien compliquée... La conscription des janissaires, tout comme les filles vendues aux harems, c'était parfois une question d'indigence des parents (les Balkans ayant été longtemps des contrées très pauvres) ; les impôts spéciaux, si on les compare aux expulsions en masse par les Reyes Catolicos ou aux conversions forcées qui étaient monnaie courante en Europe à l'époque (sans oublier le bûcher des Cathares), font figure de philanthropie... La promotion d'une élite interethnique et inter-religieuse dans l'administration et surtout dans l'économie était la règle dans l'état ottoman (tirée de la tradition hellénistique - Alexandre le Grand - avant même que romaine). Cela dit, bien sûr, le fondement ultime de la légitimité de tout empire, c'est le glaive !

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