Hrant Dink est un célèbre journaliste arménien de Turquie, adepte de la non-violence et de la pacification entre Arméniens et Turcs (et Kurdes...) par le dialogue et le "vivre ensemble". Fondateur en 1996 de l'hebdomadaire Agos, premier organe d'information bilingue turc-arménien, il a été condamné à la peine de six mois avec sursis pour "insulte à l'identité turque" et assassiné par un jeune membre d'un groupuscule d'extrême droite le 19 janvier 2007. Cet assassinat a provoqué une vague de protestations civiles et de solidarité populaire qui a peut-être contribué à "faire bouger les choses" sur la question du génocide au niveau de l'opinion.
Ce court recueil de 13 articles tirés d'Agos recouvre la période entre janvier 2004 et l'attentat dont il fut la victime. Il met en contexte la fameuse phrase qui lui valut la condamnation aux termes du fameux article 301 du Code pénal turc à laquelle échappèrent entre autres Orhan Pamuk et Elif Shafak : "Le sang pur qui remplira la place du sang empoisonné laissé par la nationalité turque se trouve dans la noble veine que les Arméniens établiront avec l'Arménie."
[Il existe dans le texte plusieurs traductions de cette phrase, qui fait d'ailleurs l'écho à un discours célèbre d'Atatürk sur le noble sang turc. Celle-ci me semble la plus correcte.]
Il touche au génocide, évidemment (en opposition avec les projets de loi français sur la pénalisation du délit de négation du génocide arménien), mais surtout à l'actualité du "vivre ensemble", sans rancune, dépassant le sentiment réciproque de trahison, ouvert et engagé donc sur la question kurde et s'écartant aussi des positions du patriarche Arménien de Turquie, Mutafyan, censé représenter la communauté.
On ne peut qu'être touché par ce personnage dont la pensée et la prose sont si proches de celles de Gandhi, et dont voici la fin de son dernier texte paru posthume :
"... oui, je peux me voir dans l'inquiétude et l'angoisse d'une colombe, mais je sais que dans ce pays les gens ne touchent pas aux colombes. Les colombes peuvent vivre en plein coeur des villes, au plus chaud des foules humaines. Non sans crainte, évidemment, mais avec quelle liberté !"
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