Un dimanche d’octobre, Gabriel arrive dans une ville bretonne enclose dans une vie immobile. Gabriel est un homme qui se dissout dans l’absence, échoué de sa propre vie, définitivement brisé par un passé qui va surgir par bribe au gré de l’écueil d’un objet, d’une odeur, d’une ambiance, pierre d’achoppement et réminiscences destructrices. Il pourrait être transparent, repoussant, évitable mais sa douleur est enfouie, invisible. Il est totalement à l’écoute des autres, des étrangers, de prime abord mais des absolument semblables, inévitablement. Sa perception fine des vies dérivantes le rend clairvoyant. Gabriel se raconte peu et se la joue encore moins. Il est l’ami de toujours, le confident attitré de tous ceux qui l’approchent, José le restaurateur en perdition depuis que sa femme aimée gît à l’hôpital, Marco loser désargenté et sa compagne Rita et puis Madeleine. Il les écoute, les comprend et leur mitonne des petits plats goûteux. Madeleine, la réceptionniste de l’hôtel, s’ennuie ferme et Gabriel l’intrigue puis l’attire, irrésistible soleil noir de la mélancolie, de l’amour perdu d’avance. Gabriel ou l’annonciation du désastre, ange déchu, carbonisé par le bonheur perdu, Gabriel va faire pleurer Madeleine des larmes de sang. Pour Rita, Gabriel est un faux saint qui aide les autres à décoller et les abandonne en plein ciel. Elle lui dira : « T’es pire qu’un homme, t’es un ange, t’as pas de couilles ! »
A force de noircir le tableau, l’auteur finit par rendre les situations inconcevables. Gabriel aurait eu un ami, Roland, qui se serait pendu au portique de jeux de son pavillon puis un compagnon d’infortune, Simon, transformé en torche humaine et encore Mathieu dont l’épouse adorée meurt étouffée dans leur armoire d’acajou. Mathieu mangera l’armoire jusqu’aux ferrures. Le lecteur peut se croire dans un film loufoque et désespéré ou encore dans une peinture désarticulée de James Ensor où les fêtes bariolées et les personnages esquissés ont des relents macabres. Si les situations sont épaisses, le style de l’auteur est fluide. Les mots coulent d’une source sûre et mortifère. Le lecteur ne s’ennuie pas mais un cadre plus resserré avec moins d’histoires tirées par les cheveux auraient été plus convaincants.
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