"C'est comme le revolver dans une pièce de théâtre : quand on le montre au premier acte, on peut être certain qu'il va servir au dernier. Telle est la loi de la dramaturgie".
Voilà qui résume parfaitement le déroulement de l'intrigue du "Dîner", roman de l'écrivain néerlandais Herman Koch. En effet, certains indices nous font entrevoir dès le départ qu'un drame va s'y jouer.
Le narrateur, Paul Lohman, et sa femme Claire, doivent rejoindre au restaurant Serge, frère de Paul, ainsi que Babette, l'épouse de ce dernier. Et il ne s'agit pas de n'importe quel restaurant ! Pressenti pour être le futur premier ministre des Pays-Bas, Serge a fait valoir sa notoriété pour réserver au dernier moment une table dans l'un des établissements les plus chics de la ville. Ce genre de passe-droit n'est que l'un des éléments du statut de Serge qui agace Paul au plus haut point...
D'une manière générale, ce dernier manifeste pour son frère et la prétendue supériorité qu'il affiche un mépris qui n'a d'égal que le dégoût que lui inspire la société mondaine dans son ensemble, dont il fustige l'hypocrisie, le manque de spontanéité.
Son hostilité se traduit par une volonté systématique de contredire son aîné, et de tenter de le mettre mal à l'aise.
On le trouve d'ailleurs, dans un premier temps, plutôt sympathique, ce narrateur. Ses réflexions acerbes et son humour acide nous font sourire, on le comprend, même !
Et puis...
... et puis je ne vous en dirai pas plus sur le synopsis du "Dîner", dont le principal intérêt réside dans la façon dont notre opinion évolue sur ses différents protagonistes au fur et à mesure qu'on apprend à les connaître, les plus abjects n'étant pas toujours ceux que l'on croit !
Et cette connaissance plus approfondie se fait par l'intermédiaire d'un sujet ô combien sensible : celui des enfants.
Avant même le début du dîner, le lecteur sait que les deux couples ont prévu d'aborder au cours du repas une question épineuse, et débattre sur le comportement qu'ils sont censés adopter face à l'acte répréhensible qu'auraient perpétré leurs fils respectifs, des adolescents.
Progressivement, l'horreur se précise, le cynisme au départ réjouissant fait place à l'aigreur, la violence perce sous les rapports policés, les personnages ont des réactions surprenantes de cruauté et de mauvaise foi...
Herman Koch va très loin dans sa démonstration. Pour répondre à certaines des questions que pose "Le dîner" -jusqu'où les individus sont-ils prêts à aller pour maintenir la cohésion et la "normalité" de leur existence, jusqu'où les parents sont-ils capables de fermer les yeux pour dédouaner leurs enfants de leurs responsabilités morales ?-, il n'hésite pas, peut-être, à en faire trop.
Je dis "peut-être", car bien que le dénouement semble a priori inimaginable, on peut effectivement se demander, dans nos sociétés où souvent, les enfants sont rois, et où l'on veut nier l'existence des laissés pour compte parce qu'elle nous rappelle les limites d'un système dont nous profitons parfois à leurs dépens, quelle voie choisirait la plupart d'entre nous si le confort de leur existence et l'avenir de leur progéniture était en jeu : celle de la justice et de la conscience, ou bien celle de l'égoïsme ?
A méditer, donc...
Et en attendant, je vous recommande cette lecture, à la fois drôle et terrifiante, au cours de laquelle on ne s'ennuie pas une seconde !
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