[Dantès. T. 1, La chute d'un trader | Pierre Boisserie, Philippe Guillaume, Erik Juszezak]
Christopher Dantès et Sarah font sensation au gala du millénaire de la finance qui se tient à Paris en mai 2000. La réputation flatteuse de Christopher le précède. Il est jeune, beau et richissime, fortune faite soudainement dans les nouvelles technologies. Le couple attire tous les regards notamment les principaux artisans de sa chute douze ans auparavant mais à cet instant, hommes d’affaires véreux et politicien corrompu n’en savent rien. Le quarteron délétère composé de Jean Saint-Hubert, Thierry Minez, Sylvie Fontaine et Michel Bonnefond ne saurait reconnaître Alexandre sous les traits de Christopher. Saint-Hubert dirigeait alors la banque BGCI et il confia à Alexandre la gestion des marchés émergents, le consacrant trader en chef en dépit des nombreuses réticences de Patrick Sancier, supérieur hiérarchique d’Alexandre. Spontanément, Alexandre demande à son ami d’enfance Thierry Minez de s’agréger à son équipe. L’enthousiasme des débuts, la réussite à la clé, Alexandre se voit confier par Saint-Hubert la gestion du portefeuille d’actions d’un client privilégié, Michel Bonnefond. Faisant fi de la déontologie, Alexandre accepte et commence alors à jouer avec le feu quand son client, prévoyant les fluctuations boursières, anticipe la vente de ses contrats, allant délibérément à l’encontre de la logique du marché boursier. Il lui demande donc par téléphone de vendre mille contrats. La clôture se fait in extremis à la baisse, sauvant par là même Alexandre de la Bérézina financière. Mis en confiance par un tuyautage qui ressemble fort à un délit d’initiés, Alexandre accepte à nouveau le risque spéculatif sur les conseils avisés de Bonnefond mais son ordre est véreux et Alexandre plonge. Il est contraint de couvrir les pertes en trichant sur la comptabilité. La machination est ourdie. Alexandre est acculée et lorsque Sancier veut l’avertir du traquenard, il est abattu par un tueur en scooter. Alexandre est accusé du meurtre et de la banqueroute.
Quelle bonne surprise que ce Comte de Monte-Cristo, alias Edmond Dantès, revisité par les scénaristes Pierre Boisserie et Philippe Guillaume puis plongé dans la tourmente des milieux financiers d’aujourd’hui ! Librement inspiré de l’œuvre d’Alexandre Dumas, Dantès n’en reste pas moins fidèle à la trame du roman du XIXe siècle. Prétendant de la belle Mercedes, injustement jugé et condamné pour bonapartisme, emprisonné durant quatorze ans (de 19 ans à 33 ans) au Château d’If, instruit par l’abbé Faria, Edmond Dantès est victime d’une machination implacable mais par un heureux coup du sort, il s’évade, s’enrichit et se venge. Pourtant, le personnage est complexe car la vengeance n’exclut pas la générosité et Dantès est capable de pardon. Dans La Chute d’un trader, Alexandre est jeune, raisonnablement ambitieux mais capable d’altruisme et de dévouement notamment auprès de sa mère et de sa sœur handicapée moteur cérébrale. Il veut bien spéculer mais respecter les règles. Or son innocence le désigne pour servir de bouc émissaire à des traficoteurs malintentionnés. Le premier volume de la série plante le décor, le palais Brongniart, siège de la Bourse à Paris. L’épisode débute habilement par l’apparition de Dantès dans ses beaux habits noirs d’apparat et se clôt au même endroit, quelques minutes plus tard. Entre deux défile toute l’histoire du trader. On ne peut mieux poser l’histoire, camper les protagonistes et leur donner chair en montrant le réseau de relations qui les unit. Le lecteur entre de plain pied dans un thriller financier sans concession. Les bons sont punis mais les méchants n’en tirent pas gloriole. Ils continuent sur leurs trajectoires, économiquement ascendantes, moralement dégradantes. On pourrait croire qu’on va s’ennuyer ferme tant les milieux financiers semblent incompréhensibles et mortifères mais la bédé est pleine de rebondissements et la trame de l’histoire est remarquablement fluide. On comprend et on suit sans difficulté l’ascension puis la chute d’un innocent aux mains sales. Le dessin classique est agréable.
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