Paulina, fille du riche signor milanais Mario Giuseppe Pandolfini, orpheline de mère, découvre, à la fin de son adolescence, les premiers émois procurés par la sensualité qui émane de son corps épanoui, sensualité exacerbée par la chaleur du climat italien.
Entretenant avec son père une relation trouble, presque incestueuse, elle s'éprend d'un ami de celui-ci, le comte Cantarini, de presque trente ans son aîné, marié à une femme dépressive et absente. Paulina et le comte deviennent rapidement amants, le couple se retrouvant secrètement chaque nuit dans la chambre de la jeune fille, qui s'initie avec fougue à l'amour charnel et à la puissance du sentiment amoureux.
Voilà qui fleure le début d'une intrigue dramatico-romantique sans grande originalité, me direz-vous...
Je vous avouerai d'ailleurs qu'au début du récit, j'ai par moments trouvé cette Paulina agaçante de mièvrerie et de vanité.
Mais l'écriture de l'auteur, élégante et agréablement poétique, ainsi que la forme du récit, constitué d'une succession de courtes séquences qui font que vous ne voyez pas le temps passer, font que vous êtes rapidement sous le charme de ce roman.
Et puis surtout, peu à peu, l'héroïne dévoile une personnalité plus complexe, plus torturée.
Elle est rongée par une dualité intérieure, un combat que se livrent en elle son amour pour le comte, et une foi religieuse quasiment mystique et culpabilisante.
Déchirée par ces deux passions contradictoires, elle tente de les concilier.
Pour cela, elle essaie, en vain, de convertir Cantarini à sa ferveur religieuse. En même temps, elle se rend tous les matins à l'église pour y quêter une hypothétique absolution. Son amant a beau tenter de la convaincre que l'amour, sentiment noble, ne peut déplaire à Dieu, et que ce sont les hommes -les prêtres- qui le pervertissent en le faisant passer pour impur et blâmable, Paulina est incapable de contrôler son sentiment de culpabilité grandissant.
On devine que sous cette foi extravagante, qui la met parfois en transe, se dissimule un autre remords qui la consume : celui de savoir que son père est mort en ignorant sa trahison.
Sa liaison avec le comte est ainsi, dans son esprit, condamné à une clandestinité éternelle.
Pierre Jean Jouve décrit très habilement la progression de la folie de Paulina, la façon dont ses obsessions prennent le contrôle de ses pensées puis de ses actes.
Personnage aux multiples facettes, tantôt terriblement sensuelle, tantôt religieusement exaltée, elle peut aussi être surprenante de modernité (lorsqu'elle par exemple, elle tient tête à l'un de ses frères pour revendiquer son autonomie et sa liberté), ou se montrer profondément touchante de sincérité.
Récit admirablement rythmé, dont le ton évolue pour atteindre peu à peu une intensité dramatique qui vous ferait presque frissonner, "Paulina 1880" est un roman dont je me souviendrai longtemps...
BOOK'ING
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]