Eugène Pertuiset est un pittoresque aventurier français de la fin du XIXe siècle :
« vaste et rubicond », hâbleur impénitent, gros mangeur et buveur, piètre chasseur de lions, trafiquant d'armes déplorable, catastrophique inventeur d'inventions calamiteuses, magnétiseur, chercheur de trésors qui n'existent pas, funambulesque explorateur... C'est un personnage grand-guignolesque, haut en couleurs et un peu vulgaire, dont le l'auteur a découvert l'existence dans un livre acheté en Patagonie, région dans laquelle Pertuiset a mené une expédition totalement extravagante. L'auteur apprend par la suite que Pertuiset était aussi un ami de Manet, et que le peintre avait fait de lui un curieux portrait en chasseur de lions. Voici donc qui le décide a rédiger cette biographie fictionnelle, l'histoire romanesque et romancée des vies croisées de Pertuiset et de Manet.
Ce roman avait, de prime abord, beaucoup d'atouts pour me plaire : un personnage principal excentrique et "décalé" comme je les aime et un air de roman d'aventures bondissant et tonitruant. Or, la vie rocambolesque de Pertuiset est narrée avec une ironie mordante qui se teinte trop systématiquement de dédain. Au détour de longues tirades, les répliques assassines et les traits d'humour de l'auteur se font toujours aux dépens du chasseur de lions. Certes, le personnage est grotesque, chacune de ses entreprises aboutissant au fiasco, mais là où le comique aurait pu s'accompagner de tendresse pour les déconvenues de ce fanfaron pathétique mais plein de panache, l'auteur y préfère systématiquement le mépris. Facile (et cruel) de railler le benêt. Page 9, l'auteur se demande
« Pourquoi Manet, "ce riant, ce blond Manet / De qui la grâce émanait", a-t-il peint ce gros lard ? ». Peut-être parce que Manet qui a, sa vie durant, gardé amitié et tendresse au bouffon Pertuiset, ne s'y est pas trompé, lui, et a su voir plus loin que le "lard" mentionné...
De plus l'auteur entrecoupe son récit par de multiples digressions, par l'évocation de souvenirs personnels et par des considérations sur le temps qui a passé, autant d'épisodes incidents qui "cassent" le rythme de récit. Et si les apartés historiques peuvent s'avérer intéressants pour certains, les souvenirs de l'auteur le sont beaucoup moins. Apprendre, par exemple, qu'il y a 25 ans de cela l'auteur, alors journaliste, arpentait le continent latino-américain et qu'il y fit la rencontre d'une jolie jeune femme... et arriva-t-il oui ou non à coucher avec elle ? Clairement, on s'en fout ! Ses questionnements pseudo-existentiels, ces atermoiements perpétuels, son auto-apitoiement continuel, on s'en contrefout !!! Enfin, la façon dont l'auteur s'interpelle à chaque page, usant de la deuxième personne de singulier, est franchement insupportable ! (
« Il y a quatorze ans, tu es à Santiago. Tu possèdes encore une petite photo, la dernière, de la fille qui t'a quitté. Tu déchires cette photo en menus morceaux que tu jettes dans le Rio Mapocho […] » p. 131).
Bref, un roman assommant et bancal, avec trop de décorum stylistique qui ne mène nulle part, et un auteur-narrateur dont on ne comprend pas bien ce qu'il vient faire dans son roman.
Décevant. TRES décevant.
le cri du lézard