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[Dolce Vita 1959-1979 | Simonetta Greggio]
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ingannmic



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Posté: Ven 03 Juin 2011 11:04
MessageSujet du message: [Dolce Vita 1959-1979 | Simonetta Greggio]
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"Dolce Vita 1959-1979" se veut un panorama de l'Italie de ces années 60 et 70, période de mutations culturelles, politiques et sociales qui passèrent par de douloureux combats et d'impitoyables luttes intestines.

D'ailleurs, en ouvrant son roman sur la description de scènes issues du film éponyme de Federico Fellini, Simonetta Greggio le place sous le signe des divisions qui marquèrent alors son pays natal, entre pudibonderie religieuse et aspiration à plus de liberté, entre censure réactionnaire et renouveau de la création artistique.
C'est le pape Paul VI, élu en 1963, qui est en place à cette époque. Cet homme, obsédé par le Diable et le péché, soupçonné d'homosexualité, a fait de la lutte contre la réalité de la chair son fer de lance.
Pour rappel, dix ans auparavant, la femme de Fausto Coppi avait été arrêtée pour adultère (lui-même ayant été dénoncé pour abandon de domicile conjugal) : la rigidité morale et puritaine qui prévaut alors est couplée d'un machisme séculaire qui considère la femme comme un objet. Il faudra attendre les années 70 pour que le viol soit considéré comme un crime contre la personne, et non plus uniquement comme un crime contre la morale...
Autant dire que la loi sur le divorce (1970) et celle sur l'avortement (1978) désespèrent Paul VI, mais on ne peut pas éternellement aller contre la marche de l'histoire... Une certaine jeunesse italienne qui se sent frustrée, réprimée par une société qu'elle juge barbare, qui assiste à la libération sexuelle chez ses voisins européens, et qui découvre avec le cinéma, la musique, qu'un autre monde est possible, aspire à des rapports plus égalitaires entre les hommes et les femmes, souhaite se libérer des carcans imposées par une Eglise immuable et dépassée.
A cette frange de la jeunesse s'oppose celle, issue de l'aristocratie d'extrême droite, qui profite de son impunité et de sa fortune pour se laisser aller à tous les abus et toutes les violences, notamment vis-à-vis de jeunes filles qui dans la majorité des cas n'oseront même pas se plaindre pour obtenir une utopique réparation...
Et ce clivage n'est pas spécifique à la jeunesse. En cette période de guerre froide, l'Italie est elle-même le théâtre d'un affrontement sans merci entre les différents courants idéologiques. La répression sanglante du gouvernement de démocratie chrétienne répond aux attentats et actes de terrorisme supposés être l'oeuvre des groupes d'extrême gauche, un gouvernement qui s'appuie sur ses connivences avec la mafia, la CIA, ou encore l'OSS pour lutter contre les brigades rouges, et surtout pour conserver le pouvoir et la mainmise sur les richesses nationales...
On assiste, dans l'ombre, aux manoeuvres insidieuses mais influentes de la célèbre loge maçonnique P2(1), qui compte parmi ses membres PDG, journalistes, politiques, généraux de l'armée et des services secrets, une loge "créée dans le but de subvertir l'ordre politique, social et économique du pays (...) notamment en prenant le contrôle des médias". Une organisation à laquelle adhéra Berlusconi en 1978...

Entre la manipulation, par le gouvernement, les instances financières et religieuses, de l'opinion, les agissements opaques de certains dirigeants, l'influence des nébuleuses liées à certains courants politiques, Simonetta Greggio dresse le portrait d'une Italie corrompue, placée entre les mains d'individus malfaisants, prêts à tout pour conserver le pouvoir, à laquelle s'oppose un peuple en quête d'égalité et de justice.

Dans une volonté de brosser un tableau exhaustif de cette époque, l'auteure procède en nous livrant les événements, qui ont alors marqué l'Italie, sous forme de flashs. Elle a pour cela choisi d'évoquer des faits divers et historiques qui reflètent non seulement les transformations politiques, sociales, culturelles, qui ont alors bouleversé la péninsule, mais également l'état d'esprit qui y régnait, aussi bien au sein du peuple ou des étudiants, par exemple, que dans les hautes sphères économiques, étatiques ou religieuses.
Elle utilise un porte parole, le prince Emanuele Valfonda, qui se sent à la veille de la mort et éprouve le besoin de se confesser au jésuite Saverio. Mano -ainsi que se surnomme lui-même le prince- aristocrate fortuné, a vécu durant les années dont il est question en profitant des femmes et de sa richesse, a côtoyé des célébrités, des hommes influents ; il rapporte ses souvenirs personnels, ainsi que ceux des événements qui ont alors fait l'actualité, par bribes, et dans l'ordre où ils lui viennent, c'est-à-dire sans véritable logique chronologique.

Cette méthode a peut-être le mérite de permettre à l'auteure de passer en revue le maximum d'éléments qu'elle estimait indispensables à son récit, mais elle a aussi un inconvénient : j'ai eu personnellement du mal à rentrer dans ce roman, qui passe d'un fait à l'autre et dont les personnages sont si multiples que l'on n'a le temps de se familiariser avec aucun.


La diversité des sujets fait qu'ils ne sont jamais vraiment traités en profondeur. Le lecteur, en refermant "Dolce Vita 1959-1979", est finalement davantage touché par la sensation qu'il en retire, celle d'avoir presque pu toucher du doigt une infime partie de l'âme d'une Italie en plein bouleversement, que par le sentiment d'avoir fait connaissance avec l'Histoire...

Peut-être n'est-ce déjà pas si mal...


(1)Pour info, celle-ci a été déclarée illégale et dissoute par une loi spéciale en 1982, car elle était "un point d'ancrage en Italie des services secrets américains, dont l'intention était de tenir sous contrôle la vie politique italienne. Notamment en vue de promouvoir certaines réformes constitutionnelles, voire d'organiser un coup d'État."


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amiread1



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Posté: Ven 03 Juin 2011 21:30
MessageSujet du message:
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Je suis en train de lire ce livre ! que pourrai-je ajouter de plus à ta note de lecture ? j'insisterai peut-être plus sur l'omniprésence à toutes les époques et à tous les niveaux de la MANIPULATION. L'on sait maintenant que les Brigades rouges étaient manoeuvrées en sous main par les services secrets américains...mais dans cette Italie des années de plomb tout le monde jouait un rôle, certains y croyant plus fort que d'autres....
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ingannmic



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Posté: Sam 04 Juin 2011 12:33
MessageSujet du message:
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Tu as complètement raison au sujet de la manipulation, qui est, c'est vrai, omniprésente, de façon plus ou moins sous entendue.
J'aurais justement aimé que l'auteure traite cet aspect plus en profondeur.
J'avoue qu'au cours de ma lecture, j'ai pris tout un tas de notes que je n'ai pas toutes exploitées pour rédiger mon billet, car à l'image que je me fais de ce roman, elles étaient tellement diverses et à la fois souvent superficielles, que j'ai eu un peu de mal à les rassembler de façon cohérente...
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Posté: Dim 05 Juin 2011 9:22
MessageSujet du message:
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« ingannmic » a écrit:
j'ai eu un peu de mal à les rassembler de façon cohérente...


Si, si, tout cela est très cohérent...

J'ai envie d'ajouter, pour la chronique et pour son ancrage contemporain, que Licio Gelli, le fondateur de la loge P2 vit une paisible retraite dans sa villa des collines florentines : la dernière fois qu'il s'est mêlé à la politique italienne, semble-t-il, et par le biais de sa fille, c'est un "introduisant" par les frontières un tel capital que même les douanes n'ont pu s'empêcher de l'intercepter (sans doute Clearstream n'existait-elle pas encore) : certains soupçonnent très fort que ce pécule venait de la banqueroute frauduleuse du Banco Ambrosiano et qu'il a bien profité à la campagne électorale d'un certain SB. Gelli apparait encore (très parcimonieusement, vu son grand âge, sans doute...) à la télé, et lorsqu'on lui demande sa paternité idéologique avec ledit Premier ministre actuel, il répond par un très explicite (autant qu'énigmatique) sourire, et le qualifie sinon de disciple de "très habile imitateur". Enfin, un garçon qui a bien appris sa leçon donc bien réussi dans la vie...
Aussi, les attentats terroristes d'extrême droite des années 70 (avec une prédilection pour les trains et les gares...) sont-ils demeurés pour la plupart des affaires classées.
Quant à celles, symétriques, des Brigades rouges - dont on connait la fin abjecte frôlant le pur et simple banditisme - ces affaires ont eu un grand retentissement. Les responsables ont (en minorité ?) purgé des peines, alors que les principaux responsables, idéologues (comme M. Toni Negri) ou carrément sanguinaires (comme M. Erri de Luca), ont vécu aussi des années tranquilles depuis, mais en France (l'inexplicable et peu pardonné mépris de M. Mitterrand pour la gauche italienne, sans parler de la magistrature italienne...), où certains ont même accédé au statut enviable d'intellectuels...
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Posté: Dim 05 Juin 2011 13:38
MessageSujet du message:
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Lévy-Strauss, entre-autres, nous a montré le tabou culturel que représente l'inceste dans toutes les sociétés, mais il a oublié d'étendre cette notion à la politique et à l'Histoire en général. Il avait déjà dû comprendre qu'au contraire l'inceste était le moteur de la domination et du pouvoir . L'Italie étant le modèle parfait...
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Posté: Dim 05 Juin 2011 20:16
MessageSujet du message:
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L'inceste comme moteur de la domination et du pouvoir... ?! (Et l'Italie, modèle d'inceste Shocked ??) Cela semble intéressant, mais je ne suis pas sûr de comprendre... Tu peux me donner quelques lumières (et/ou références) ?
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