[Le club des incorrigibles optimistes | Jean-Michel Guenassia]

Un des meilleurs livres que j'ai lu depuis ce début d'année. Difficile de concentrer ce roman de presque 800 pages en quelques lignes. Si l'on veut faire simple on peut classer le livre de J M Guenassia dans la catégorie des romans d'apprentissage : Années 1960, un adolescent parisien qui préfère le baby-foot aux maths se lie d'amitié avec une bande d'éxilés politiques ayant fui leur pays ; ces dits pays étant bien sûr des pays "de l'Est", la guerre froide battant son plein.
Michel (c'est le prénom du "héros") va découvrir, à fréquenter ces hommes, ce que signifient les mots trahison,abandon,fidélité,amitié....et il va surtout se forger une ligne de conduite pour la vie à venir qui sera toujours dictée par un optimisme inébranlable. Car ces hommes en quittant leur pays ont tout abandonné, famille,situation souvent avantageuse; ils se retrouvent en France livrés à une administration tatillonne et au déclassement social.Le pire ils l'ont déjà vécu, le pessimisme n'est pas de mise quand vous avez eu l'insigne chance d'être encore vivant et de vivre dans un pays libre. Cet optimisme Michel va essayer de l'appliquer à sa propre existence. Car c'est le talent de JM Guenassia de construire son roman de deux parties parallèles qui se chevauchent au grè des chapitres. Au monde du "Club des incorrigibles optimistes" qui se réuni au "Balto" place Denfert-Rochereau et sur lequel plane un non-dit de trahison,fait écho un univers familial étouffant sur lequel plane cette même trahison. Tout le livre est ainsi bâti en écho ; une avanie subie par Michel dans sa "vie privée" est immédiatement répercutée au "Balto" lors d'une partie d'échecs (place très importante du jeu dans le roman...) avec ses "incorrigibles optimistes". La trahison est partout. Dans cette famille bourgeoise désunie qui voit les parents issus de milieu différents se déchirer, se séparer...Dans le milieu scolaire où les meilleurs amis vous quittent...Dans la relation qu'entretient Michel avec Cécile la seur de son meilleur ami et qui disparait du jour au lendemain...Meilleur ami qui lui aussi trahit d'une certaine façon ; engagé volontaire en Algérie il y est tué...
L'auteur, a la fin de son livre,nous dévoile enfin le secret que déjà depuis queques dizaines de pages il nous laissait entrevoir. Ce secret c'est le summum de la trahison. Et il élargit d'un seul coup le paysage du roman. Il nous laisse devant un gouffre béant de malheur et de tristesse.
Cette fin qui pourrait paraître terriblement ...pessimiste sert par un jeu de pirouette au premier chapitre du roman qui débute 15 ans après les faits relatés... un premier chapitre ou l'on fait connaissance de Michel lors de l'enterrement en 1980 de Jean Paul Sartre....Car ce n'est pas la moindre qualité de ce livre que de titiller notre nostalgie de nos années d'enfance et d'adolescence : les marques de voitures, les réunions de famille interminable, la guerre d'Algérie, De Gaulle, la TV noir et blanc,et puis un Paris définitivement passé par pertes et profits...un Paris avant le grand ravalement décidé par Malraux, presque un Paris d'avant-guerre.

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