Ecrivain remarquable et jardinier planétaire, Gilles Clément (né en 1943 à Argenton-sur-Creuse) sait voir et dire les petites choses qui ne sautent presque plus aux yeux de personne, le balancement des graminées sauvages, l’éclat de lumière sur la pierre, les riens du quotidien quand le silence sculpte les gestes et les paroles rares des derniers paysans. Mis à la porte de la propriété familiale, il cherche une maison et le terrain qui lui correspondent mais il est désargenté au mitan des années 1970 et les offres ne satisfont pas à ses exigences pourtant évidentes et simples ; il souhaite sa maison lumineuse, ouverte et vivante. Il finit par trouver dans la Creuse, après avoir sillonné l’hexagone en particulier et le monde en général, un terre en friche vibrante de vie, un « là-bas » et un « là-dedans », termes usités par les locaux pour : « donner un sentiment d’effroi à la distance procurée par le changement de milieu » ; « un bon coin pour la vermine » dit Roger, de la ferme Fressignaud quand il pérore en ville en se vantant « d’avoir tué cinquante écureuils » puis en marchandant ses trophées contre du mauvais vin. La maison s’édifie pierre à pierre sur des années. Son isolement impose une absence de commodités à commencer par l’eau courante et l’électricité. Les gendarmes viennent faire une enquête de voisinage contraignant Gilles Clément à prendre les devants afin de contrecarrer la rumeur, mauvaise et fumeuse. Finalement, la maison obtient son permis de construire et son droit d’exister règlementairement.
Le récit autobiographique de Gilles Clément ne s’ancre pas exclusivement dans un territoire creusois. L’auteur s’y découvre et montre un cheminement de pensées en accord avec un lieu, une histoire et une conscience écologique en marche, à la fois proche de la vie et lancée dans la prospective la plus féconde. Le jardin en mouvement s’y dessine progressivement. La maison s’y continue naturellement. Gilles Clément s’adapte aux contraintes et aux limites, les siennes et celles du terrain. Ainsi les angles seront arrondis, les arbres serviront d’échafaudage, une branche de châtaignier deviendra un escalier. Inventeur du tiers paysage, Gilles Clément a conçu des jardins publics étonnants à l’égal de ceux, suspendus, du quai Branly. Le texte contient quelques fulgurances poétiques réussies et l’auteur sait restituer avec humour, empathie, lucidité tous les ratés et les à-côtés dont le quotidien regorge.
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