Passées « Les 110 pilules », les éditions Delcourt remettent le couvert en servant quelques goûteuses histoires du dessinateur bolognais Magnus [Roberto Raviola], (1939-1996). Inégales, elles n’en dégagent pas moins une saveur particulière car le graphisme, élégant dans ses hachures, tout en rondeur dans ses galbes et ses aplats noirs, précis, réaliste mais approchant de temps à autre la caricature est contrecarré par des histoires banales, triviales, voire sordides mais parfois aussi habiles et troublantes. La dernière histoire du recueil, « L’internat féminin » [1975], la meilleure sur le plan graphique, n’en est pas moins pleine des fantasmes d’éculés vieux comme mes robes. Un fou pervers se dissimule sous les traits d’un professeur médecin et pénètre sous sa barbe postiche et ses lunettes épaisses dans une école très stricte de jeunes filles en fleur. Le faux médecin va examiner deux jouvencelles atteintes de rhume qu’il droguera et dont il abusera la nuit venue. Heureusement, la surveillante générale, Mademoiselle Ratier, veille au grain. Elle aura le dernier mot, celui de la fin. Le premier conte, « Dix chevaliers pour un magicien » [1974], dynamite les règles du genre. La belle Eloisa, fille du roi, est victime d’un mauvais sort de la part du magicien Kivu, vieux bouc paillard à qui elle s’est refusée. Elle se transforme en redoutable dragon. Son père décide d’offrir la main de sa fille au chevalier qui délivrera le royaume du fléau. Pour se libérer de la malédiction, Eloisa va donc capturer dix chevaliers qui devront ensuite la faire jouir « mais d’une façon différente ». Trop contents de l’aubaine, les chevaliers s’exécutent et délivrent la belle de son mal. Eloisa n’a plus qu’une seule idée en tête, se venger de Kivu mais ce dernier est lui aussi victime d’un sort de la magicienne Aileia, la reine de l’air qui a puni le jeune séducteur Kivu en l’affublant d’une vieille carcasse humaine. Bref, le lecteur nage dans un conte burlesque à tiroirs mais tout finit bien pour les deux amants, Eloisa et Kivu, trouvant l’amour au bout du chemin et recouvrant la jeunesse, la virilité et la jouissance. L’histoire suivante, « Minuit de mort » [1974] est cruelle et sanguinaire mais c’est pourtant ici que s’exprime avec maestria l’utilisation des aplats d’encre noire du grand dessinateur transalpin. « Le crâne vivant » [1980] est probablement le plus faible des contes dessinés. D’ailleurs le dessin semble parfois bâclé comme si Magnus ne croyait déjà plus en ce qu’il racontait. A posteriori, le lecteur peut encore être surpris par les représentations sans fard faites par Magnus des sexes d’hommes lustrés, veinés, tendus à l’extrême. Les glands de son monde possède une indéniable majesté. Magnus est mort jeune, à 56 ans, la tête et les mains encore pleines d’encre et de projets. Magnus pictor fecit [un grand peintre l’a fait], devise inspirant Roberto Raviola, alias Magnus, alias Bob La Volpe mais il a failli alors qu’il œuvrait pour le grand Tex Willer. Ses 223 planches et son récit inachevé restent inédits en France pour le malheur de ses aficionados inconsolables.

----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur Wikipedia]