Quelques idées intéressantes, un radicalisme parfois surprenant, mais le tout se présente dans le style "subversion de salon" plutôt que comme une démonstration rigoureuse et scientifique.
Parmi les idées, je retiens celle que le travail et son inévitable corollaire qu'est la perversion des rapports avec la Nature source unique de richesse, date du néolithique et précisément de l'introduction de l'agriculture.
Je retiens aussi l'identité de fond entre travail et économie :
"Toute économie - y compris la distribution et la consommation des richesses produites - est du travail ou un prolongement de ce travail." (p. 53)
laquelle identité doit donc être inscrite dans la critique fondamentale de l'économie (idée pas très originale mais souvent répétée dans ces pages, et dont les conséquences ne cessent de dérouter d'où qu'elles viennent) :
"L'économie est donc un système d'appropriation fondé sur l'organisation de la rareté. Lorsque le Système 'fonctionne', la rareté est régulée, selon des règles de pouvoirs diverses, qui changent en fonction du mode de production considéré. Lorsque les dysfonctionnements s'installent, la rareté entraîne la misère de toujours plus d'êtres humains. Aujourd'hui, nous vivons une extension, inouïe auparavant, de la misère due à la rareté organisée." (p. 52).
Autre identité qui en surprendra certains, est celle entre la fonction du salarié et celle du chômeur dans le système capitaliste :
"Allocations ou salaire, cela revient au même au niveau de la soumission de l'individu, car la survie des chômeurs est essentielle au maintien de la peur sociale généralisée, par l' "armée de réserve" capitaliste qu'ils forment. " (p. 13) [pourtant il me semble que cette idée soit plutôt vieille, peut-être même due à Marx]
En outre, et ceci est très étonnant pour tous, Godard semble être très sceptique à l'égard de la décroissance. Il critique un peu trop vite Serge Latouche en lui prêtant un progressisme qu'il refuse plus radicalement, et surtout en brandissant la menace d'une probable "dictature écologiste" (thème repris également dans un texte en annexe), utilisée pour astreindre les peuples à freiner leur sur-production et sur-consommation.
Par conséquent, sa ligne de proposition se décline autour du concept de "non-agir" emprunté au taoïsme, à ne pas confondre avec la passivité, qui pourrait avoir pour applications concrètes :
- un moratoire de 10 ans à toute recherche scientifique et à toute expérimentation nouvelle ;
- la désorganisation du monde, et en particulier des forces répressives, politiques et économiques ;
- en général le "sabotage du travail" :
"En sabotant le travail, en portant partout les germes de la sédition radicale, on participe à l'action contre la Structure. [...] C'est aussi porter des coups à l'idée que le travail est la façon de sortir de l'impasse, que le progrès est libération, etc. ..." (p. 119).
On note donc dans ces conclusions, peut-être plus qu'ailleurs, les dangers de tenir de tels propos, sans doute justes au demeurant, trop à la légère...
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