Après avoir lu son excellent "De Niro's game", je ne pouvais pas faire l'impasse sur "Le cafard", deuxième roman de l'écrivain canadien d'origine libanaise Rawi Hage.
Qu'évoque donc cet animal, hormis l'image de saleté, d'insalubrité, voire de misère, qui lui est si souvent associé ? Je pense bien sûr au célèbre roman de Kafka, et j'imagine qu'il était de la volonté de Rawi Hage, en écrivant "Le cafard", que le lecteur établisse ce rapprochement.
En effet, son narrateur, qui se prend ponctuellement pour l'insecte sus mentionné, fait lui aussi la douloureuse expérience, parce qu'il est différent, du rejet et du mépris. Sauf que ce n'est pas de son apparence d'insecte (la métamorphose n'a lieu ici que dans l'esprit du narrateur) que découle cette différence, mais de son statut d'immigrant sans le sou. Originaire d'un pays oriental, il peine à s'intégrer dans une société canadienne où il se sent décalé, indésirable, invisible. D'ailleurs, nous ne connaîtrons jamais le prénom ni le véritable pays d'origine du héros, l'auteur insistant ainsi sur la notion d'anonymat, d'insignifiance de l'individu. Condamné à la solitude et à la précarité, il se définit lui-même comme une vermine qui pour survivre, rampe à ras du sol... Ses seules fréquentations sont des immigrés comme lui qu'il juge tour à tour avec mépris ou attendrissement, mais qu'il considère néanmoins comme ses semblables. Suite à une tentative de suicide, il est suivi par une psychothérapeute. Leurs entretiens sont l'occasion d'évoquer le passé du narrateur, un passé difficile, mais qu'il narre de façon détachée, presque avec froideur. A contrario, il exprime à certains moments, sans motif apparent, de la tristesse, de l'amertume, de la peur, et un certain malaise qui se traduit par des manifestations plus ou moins extraordinaires, allant jusqu'à des hallucinations.
Je resterai davantage marquée par le premier roman de l'auteur que par ce "Cafard", qui en dépit de ses qualités, n'a pas été un coup de coeur. L'alliance de l'imaginaire fantasmagorique du narrateur et de son quotidien trivial et déprimant donne certes une touche d'originalité au récit, et l'écriture de Rawi Hage (ou tout du moins sa traduction), à la fois efficace et élégante, rend la lecture plaisante... alors quoi ?
C'est assez difficile à formuler... disons que l'impression que j'en garderai sera celle que laisse un bon souvenir, mais il est probable que d'ici quelques mois, je serai incapable de m'en remémorer l'essentiel. Tout comme je me sens aujourd'hui incapable de vous expliquer clairement les raisons de ce sentiment mitigé.
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