"Un rêve américain" m'a plutôt laissé l'impression d'avoir navigué en plein cauchemar !
Si je m'en tenais à vous en résumer l'action, cela pourrait donner.... ceci :
Etats-Unis, années 60. Stephen Rojack, ex-député, héros de guerre, professeur d'université, vedette d'une émission de télévision, tue sa femme Deborah, riche héritière à la personnalité trouble et charismatique. Il maquille le meurtre en suicide en défenestrant le cadavre de sa défunte épouse.
Voilà pour les faits. Mais ce qui fait l'originalité et l'intérêt de ce roman, c'est la façon dont Stephen, le narrateur, perçoit ces événements. Tel un guide halluciné, il nous plonge dans les limbes d'une jungle très particulière, née de sa perception suraiguë et de son interprétation parfois surnaturelle de la réalité. Oui, c'est bien dans une jungle qu'il nous donne l'impression d'évoluer. L'omniprésence d'odeurs -animales, corporelles, émotionnelles-, les allusions récurrentes à la mort, la peur, la violence, sont autant d'éléments qui alimentent ce sentiment.
C'est comme si Stephen, doté d'un regard extra-lucide, perçait les apparences policées de son environnement "civilisé" pour accéder aux profondeurs malsaines d'une humanité redevenue primitive et prédatrice. Le personnage de Deborah en est un exemple parlant. Comparée à une tigresse, exsudant des relents charnels évocateurs tantôt de pourriture et de haine, tantôt de désir sexuel et de séduction, elle prend à nos yeux une dimension extraordinaire, à la limite du fantastique, à la fois effrayante et fascinante. L'ensemble du récit est d'ailleurs empreint de touches surnaturelles qui, si elles peuvent sembler au départ surprenantes, s'accordent finalement assez bien avec les capacités des sens exacerbés de Stephen (ou avec sa consommation excessive d'alcool ?!). Apparitions fantomatiques, prémonitions, télépathie... s'insèrent donc tout naturellement dans la vision que porte ce dernier sur ce monde cauchemardesque. Le nôtre ?
Il semble bien en tout cas que Norman Mailer ait voulu dépeindre l'envers du rêve américain, au sens littéral du terme, en traquant la malfaisance et la perversion cachées derrière les apparences, la laideur dissimulée par les signes extérieurs de richesse.
De même, il décrit les rapports qu'entretiennent ses personnages en insistant sur leur duplicité : ils donnent sans cesse l'impression de s'affronter dangereusement, qu'il s'agisse de se séduire, de dominer... avec pour arme principale le langage, une arme que l'auteur leur fait manier savamment.
Dans "Un rêve américain", Norman Mailer nous trouble et nous bouscule, et si la lecture de son roman n'est pas toujours confortable, elle n'est en revanche jamais fastidieuse ou prévisible.
Ce fut pour moi une découverte à la fois particulière et vraiment intéressante.
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