Un homme rentre d'un pays en guerre, où il était mercenaire, dans son village du sud de la France. Sans doute s'est-il perdu lors de son absence, puisqu'il ne parvient pas à reconnaître ce village comme le sien, ni à se retrouver tel qu'il était auparavant. Il se sent étranger, lointain. Alors, dans une tentative pour renouer avec lui-même, il refait maintes fois les gestes d'avant, reprend quelques anciennes habitudes, évoque ses souvenirs, notamment celui de Magali, son flirt adolescent...
Ce qui m'a d'abord frappée, en ouvrant ce roman, c'est sa brièveté. Une brièveté qui, finalement, ne pénalise pas l'essence du récit. En effet, en très peu de pages, Jérôme Ferrari se penche sur quelques jours de l'existence d'un homme, et par le truchement des réflexions, des souvenirs de ce dernier, donne l'impression d'aborder l'ensemble des problématiques auxquelles toute existence peut avoir à se soumettre ainsi que le sens que l'on tente de lui donner. Problématiques telles que l'amour, la guerre, la mort, abordées sous le noir éclairage des regrets, de la violence, de la souffrance. C'est comme si le héros avait en quelques années accompli le parcours que d'autres effectuent en plusieurs décennies, voire n'effectuent jamais.
Cette brièveté, même, sert le récit, car elle implique une notion de vitesse qui paraît importante pour l'auteur. Course après les résultats, dans une société où c'est la valeur mercantile qui prime... les rapports humains eux-mêmes, souvent réduits à l'échange virtuel, en deviennent superficiels et succins. Jérôme Ferrari semble dépeindre une société où la vitesse emporte les hommes dans un tourbillon qui les empêche de s'arrêter pour s'écouter, se rencontrer, penser, analyser. Est-ce pour se confronter au "vrai monde" que certains partent combattre ? Et est-ce une solution ? Après tout, qu'ils émanent d'un directeur commercial ou d'un supérieur gradé, il s'agit toujours de recevoir des ordres conformes aux desiderata des instances en place, qu'elles soient militaires ou économiques (et souvent, les deux sont liées). Quelle est, dans ce contexte, la part de discernement individuelle et d'auto-responsabilisation ?
C'est en somme la perte de la capacité d'analyse personnelle face aux événements de cette société que déplore ici l'auteur. Ainsi qu'il nous le rappelle plusieurs fois, "les choses tournent mal", et apparemment nous ne possédons pas les armes adéquates pour y faire face. En ce qui concerne le héros, définitivement meurtri par la guerre, nulle foi, nul idéal, nul amour ne parviendront à pallier le dénuement de son âme.
Puisque même Dieu, qui semble lui aussi avoir vacillé, n'est plus un refuge...
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