Emma est la petite-fille de Mad (diminutif de «Madame»), une presqu’octogénaire qui a connu son heure de gloire en tant qu’actrice. A la fin de sa carrière, elle s’est retirée dans sa Cornouailles natale avec les six garçons qu’elle a adoptés (âgés de 6 à 18 ans), Dottie, sa fidèle costumière reconvertie en cuisinière, et Emma.
Cette dernière est une jeune fille un peu naïve, facilement choquée par les excentricités de sa grand-mère et sa trop grande permissivité envers ses enfants adoptifs.
De plus, les événements inattendus qui viennent bouleverser l’existence de cette famille atypique vont la plonger dans un certain désarroi…
« Mad » est le dernier roman de Daphné Du Maurier (elle n’écrira plus ensuite qu’un recueil de nouvelles et un livre sur la Cornouailles). Publié en 1972, son action se situe en l’an 2000. C’est donc au roman d’anticipation que l’auteure s’essaye ici, ce qui m’a un peu surprise au départ (je n’avais pas lu la 4ème de couverture… )
A l’aube de ce XIXème siècle, le Royaume-Uni vient de rompre avec l’Europe en quittant le marché commun, et a conclu, sans consultation préalable de la population, une alliance avec les Etats-Unis, concrétisée par la fondation de l’ «Euru». Ce rapprochement forcé n’est pas vraiment du goût de Mad et des habitants de son village, qui vont organiser un mouvement de résistance contre cet occupant américain censé être un allié, mais qu’ils jugent un peu trop envahissant. En effet, afin de prévenir toute contestation d’éventuels réfractaires à cet accord entre les deux nations, des troupes armées se sont installées dans la région.
Daphné Du Maurier se sort avec les honneurs de cet exercice assez inhabituel. Le ton est divertissant, notamment grâce au personnage très théâtral de Mad et aux facéties de ses garçons, ainsi qu’à sa façon d’opposer le bon sens des gens simples aux manœuvres intéressées et hypocrites de ceux qui les gouvernent, qui sont trop facilement enclins à considérer ces premiers comme des imbéciles. L’attitude de Mad en est d’ailleurs très représentative : elle joue sans cesse à se faire passer pour plus stupide qu’elle ne l’est afin assener à ses interlocuteurs d’évidentes vérités qu’ils n’aiment pas vraiment entendre…
L’auteure parvient, sous couvert de cet humour, à porter sans en avoir l’air un regard lucide et critique sur le contexte politique de son époque, et à faire preuve de clairvoyance concernant celui du futur.
En effet, l’avenir qu’elle imagine voit le chômage augmenter et le fossé entre les riches et les pauvres se creuser, les premiers voyageant en jet pour régler d’opaques transactions financières, pendant que les seconds, rêvant de contrées plus généreuses, ne pensent qu’à émigrer... Très juste aussi, sa vision des médias (journaux, radios et télévision), qui en accord avec le pouvoir, plébiscitent uniformément la nouvelle alliance formée avec les Etats-Unis. Et ce qui m’a le plus étonnée est sa virulence envers le comportement de ces américains, présentés ici comme des envahisseurs convaincus de leur supériorité (j’ai même cru relever une cinglante allusion à la guerre du Vietnam…), et incapables de saisir la subtilité des particularités régionales qui font la richesse, eh bien… des Cornouaillais, par exemple !
Il fallait oser s’attaquer ainsi à ceux habituellement considérés comme les alliés de toujours !
Et du coup, vu le ton de l'ensemble du récit, je ne peux m'empêcher de penser que le titre choisi par D. Du Maurier est sujet à une double interprétation...
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]