Max
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Posté: Dim 13 Déc 2009 12:28
Sujet du message: [La trahison de Thomas Spencer | Philippe Besson]
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Paul et Thomas sont nés le même jour, le 6 août 1945, et ont grandi côte à côte à Natchez, dans le Sud des États-Unis. Depuis toujours ils s'aiment comme deux frères et sont inséparables, amis "à la vie à la mort". Thomas, le narrateur, a aujourd'hui trente ans, et il raconte leur histoire : l'enfance insouciante faite de baignades dans le fleuve Mississipi, les parties de pêche, les émois de l'adolescence, les petits riens et les grands événements qui vont jalonner leurs vies, forger leurs caractères, construire leurs personnalités et souder leur amitié qu'ils pensent inaltérable. Jusqu'à leur rencontre avec Claire...
L'intrigue est celle, classique, du triangle amoureux. D'où des péripéties un peu prévisibles et convenues : l'insouciance de la jeunesse, puis les tiraillements entre l'amitié et l'amour et, enfin, la trahison. Mais ceci n'est pas vraiment gênant, car le drame qui se joue dans ce roman est annoncé dès le titre et tout le roman y mène donc de façon logique et inéluctable. Pas de surprise donc quant à l'intrigue, mais une construction maîtrisée et un style fluide, sans emphase, qui mènent agréablement le lecteur jusqu'au terrible dénouement de ce roman.
Philippe Besson compose son histoire entre confession et récit initiatique. Au rythme d'une chronologie implacable, les événements qui secouent les protagonistes semblent intrinsèquement liés à ceux qui bouleversent le pays. La situation familiale, les amours adolescentes, la camaraderie, les convictions politiques qui s'ébauchent, les choix professionnels, les personnalités qui s'affirment sont ainsi rattachés aux grandes dates de l'histoire américaine, d'Hiroshima à la guerre du Vietnam, en passant par Spoutnik, Marilyn, JFK, Martin Luther King... Soit, à coup de clichés, un condensé de l'histoire américaine d'après guerre pour les nuls ! Un artifice un peu pesant et "gadget", quelquefois même aux limites du patriotisme béat.
De plus, à vouloir ainsi concilier la grande fresque et le récit intimiste et à vouloir confronter ses personnages à l'influence de l'évènement historique, Philippe Besson en oublie parfois ce qui est le cœur de son histoire et qui fait la force et la beauté de ses autres romans : cette précision dans la façon dont il dissèque la complexité des liens entre personnes, cette délicatesse et cette empathie dans la description des sentiments, cet art de sublimer une histoire pourtant banale. Dommage, car c'est dans ces moments là, quand il décrit les rouages de la culpabilité et les ressors de l'amitié, quand il dévoile l'implacable dictature des sentiments qui est l'essence même de la vie d'un être humain, que son roman prend sens.
« "Pourquoi on le voit jamais, ton père ?" C'est à cette minute-là, très précisément, que j'ai compris que je n'avais pas de père, tandis que tous les autres petits garçons en avaient un. J'ai été incapable de répondre à la question de Paul. Le silence, seulement interrompu par sa phrase, est retombé aussitôt, telle une chape de plomb, qui m'a écrasé, asphyxié. Paul a continué de m'observer puis a baissé la tête et repris ses activités. Moi, j'étais dévasté. Ce sentiment, de la dévastation instantanée, ne m'a pas quitté. » (p. 16)
« J'ai accepté mes souvenirs. J'ai compris que je ne devais pas les enfouir, pas les censurer mais, au contraire, les déterrer, les raconter. Je me doutais qu'en accomplissant ce travail je ne m'en délesterais pas ; néanmoins, je peux désormais ne plus être étouffé par eux. J'ai compris que je devais vivre avec eux, plutôt que contre eux. Que, si je voulais demeurer vivant, il me fallait affronter ma culpabilité, ma noirceur et admettre qu'elles n'existent que parce que je possède également de l'innocence, de la lumière.
Mes souvenirs recèlent ce que j'ai de pire. Ils contiennent aussi le meilleur. » (p. 265)
le cri du lézard
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