Ce sont trois histoires que nous raconte M.Cunningham dans son « Livre des jours ». Trois histoires avec pour points communs un lieu –Manhattan-, des protagonistes portant le même prénom, des objets que l'on retrouve d'un récit à l'autre et surtout, l'apparition ponctuelle de vers de Whitman, cités, de façon compulsive et souvent à leur insu, par certains des personnages.
Fin XIXème siècle : Simon vient de mourir, broyé par la machine sur laquelle il travaillait dans une usine de tannerie. Lucas, son jeune frère de 13 ans, ayant désormais la charge de leurs parents, va le remplacer à son poste.
Aujourd'hui : une psychologue de la police New Yorkaise reçoit les appels d'enfants kamikazes qui menacent de se faire sauter avec une bombe.
2120 : dans un monde ravagé par les dégâts écologiques, une immigrée extraterrestre et un humanoïde en fuite traversent les Etats-Unis.
Mon plaisir, à la lecture de ce roman, est allé décroissant. La première partie m'a beaucoup plue. L'auteur nous plonge dans une atmosphère ténébreuse et nauséabonde, « à la Dickens », pour décrire un Manhattan peuplé de taudis où (sur)vivent les laissés pour compte de l'industrialisation de cette fin de siècle : ouvriers exposés à de dangereuses conditions de travail, miséreux peinant à se procurer de quoi se nourrir jusqu'à la fin du mois… Evoluant dans ce quartier insalubre, le personnage principal est un être fantasque et difforme, mais très attachant.
En peu de pages, M.Cunningham nous livre ici une chronique sociale savoureuse, sur le thème de la déshumanisation liée aux progrès de la révolution industrielle. A contrario, la brièveté de la 2ème histoire m'a laissée sur ma faim. Le thème en est intéressant : l'auteur part de l'angoisse liée aux attentats du 11 septembre pour bâtir une sorte de « thriller terroriste », mais j'aurais aimé qu'il approfondisse davantage certains passages, ceux notamment liés à l'existence de ces enfants kamikazes avant qu'ils en viennent à commettre l'irréparable. Enfin, je dois avouer que j'ai vraiment eu du mal à entrer dans la dernière partie, récit de science fiction dont le contexte, au départ, promettait une histoire originale (les Etats-Unis en général, et Manhattan en particulier, sont devenus une espèce de gigantesque parc d'attractions, où les touristes paient pour vivre de fausses agressions, et où même les mendiants sont des acteurs censés donner une allure pittoresque à la ville) mais qui s'enlise rapidement dans une intrigue banale.
Je ressors donc de cette lecture avec un avis mitigé, et c'est dommage : le fait de construire le roman sous forme de triptyque pour mettre en exergue trois des maux de nos sociétés modernes (les limites du progrès, la peur de la menace terroriste et le risque d'une catastrophe écologique) était au départ une excellente idée.
En revanche, elle m'a incitée à me procurer « Feuilles d'herbe », l'unique recueil de poèmes qu'a écrit Walt Whitman, auteur que je découvre avec plaisir…
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