Voici un travail universitaire solide, très bien structuré, précis et exigeant (malgré sa minceur) sur l'évolution du roman de Balzac au Nouveau Roman. Deux axiomes régissent la démarche : que le roman, au lieu de s'opposer au réel, est la représentation des possibles ; que : "La naissance du roman moderne s'est marquée par le développement de l'intériorité des personnages, et cette caractéristique s'est confirmée au fil de l'évolution du genre. Parallèlement, plus la psychologie individuelle du personnage prenait d'importance, plus le narrateur se faisait discret et neutre." (p. 15).
L'intériorité, comme forme et comme contenu, est explorée dans le monologue intérieur (Edouard Dujardin puis Joyce), le roman du courant de conscience (Virginia Woolf notamment dans Mrs Dalloway), l'indirect libre, le monologue et soliloque (Le Bavard de Louis-René des Forêts et les Carnets du sous-sol de Dostoïevski).
Ensuite, "l'ère du soupçon" s'installe, avec des répercussions sur l'intrigue et le personnage.
Enfin, c'est la "modernité" qui, d'un changement sémantique lié au positivisme, se convertit en avant-garde : un parrallèle très séduisant est tracé entre les prescriptions poétiques de Robbe-Grillet et celles picturales du critique américain Clement Greenberg. Ainsi, par réductions et interdits, entre autoréférentialité, langage périmé, réalisme périmé, on arrive à une sorte d'impasse qui contredit (provisoirement, il faut espérer), la spécificité du roman qui "est précisément de ne connaître aucun interdit, de n'avoir pas de lois, pas de règles, pas de poétique. [...] qui l'a rendu capable de se transformer au rythme d'une société en mutation rapide et qui a assuré son actuelle hégémonie" (p. 103).
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