Comme dans bon nombre de romans, on suit ici deux histoires en parallèle : celle d'une famille albanaise d'une part, celle du pays entier d'autre part.
Gjergj, le père, travaille au ministère des affaires étrangères et est ainsi souvent en déplacement, chargé de transporter des documents officiels dont il ignore le contenu. Quant à sa femme Silva, elle travaille dans les bureaux du ministère et ses collègues et amis sont donc au fait du moindre changement.
Malgré tout, l'Albanie de ces années 70 est communiste, chacun fait donc attention à modérer ses propos et il est bien difficile de trouver la réponse à la question que tout le monde se pose : les relations avec la Chine vont-elles cesser, et plonger le pays dans la crise comme après la rupture d'avec Moscou?
Chacun vit cette tension à son échelle... Victor, l'un des amis de Silva, a marché sur le pied d'un émissaire chinois ; on fait des radios de la "victime", transmises en au lieu pour analyse, tandis que Victor est suspendu... Arian, le frère de Silva, a été rayé du Parti, sans vouloir en donner la raison... Quant à Ekrem, il n'a décidément pas de chance : traducteur de russe, il a été mis en prison après la fin des relations avec l'URSS et ses années d'incarcération lui ont permis d'apprendre le chinois, symbole de l'avenir à l'époque, mais signe de danger imminent pour lui.
On suit aussi les élucubrations de Mao, retiré au fond d'une grotte et se remémorant, en bon mégalo, toutes ses actions d'envergure.
Malgré tout cela, la vie suit son cours, avec ses flirts, ses deuils, ses rencontres, ses disputes...
Le style de Kadare est très caustique, l'humour triste de la situation est palpable. J'ai parfois eu des difficultés à avancer dans ma lecture, parce que je ne connais ni l'histoire de l'Albanie, ni celle du maoïsme, et parce que cette dimension politique de l'intrigue n'était pas faite pour me séduire a priori.
J'émets donc ces réserves, tout en affirmant que je suis contente d'avoir lu ce livre : pour avoir découvert un auteur phare de la littérature albanaise, pour avoir découvert un pan de ce pays méconnu, pour avoir lu un style talentueux... Et j'ajoute, pour ceux qui l'ont lu ou le liront, que je me sens pleine de compassion pour ce pauvre Simon! M'a fait bien de la peine! Ekrem aussi, d'ailleurs.
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