L'expérience de la déportation qui est racontée au travers des yeux d'un enfant, Petia. Fils de juifs polonais, il a été exilé en même temps que sa mère Beauté dans un village sibérien dont le nom n'est jamais révélé pendant que le père a été déporté dans un de ces « Lager » d’où on ne sort que rarement vivant. Le village dans lequel se trouve Petia et Beauté est décrit comme un monde fermé et le récit se déroule à travers deux niveaux bien distincts : celui réel et historiquement défini, et un autre qui se présente comme un ensemble de récits, entre le cauchemar et la fable.
Le jour, la réalité est filtrée par la proximité de Beauté, qui, avec une grande simplicité naturelle, incite son fils à cueillir le voile subtil de la poésie et de la beauté qui enveloppe la vie, à entrevoir l'unicité quasi sacrée qui se cache derrière l'existence, pendant que dans le noir de la nuit la terreur de Petia pour les ténèbres et pour l'obscurité évoque tout le mal de la situation inhumaine et aberrante dans laquelle lui-même, sa mère et les autres déportés se trouvent.
Mais Petia fait tout ce qu’il peut pour réagir et retravailler les cauchemars et ses armes sont outre la beauté de la poésie et de la littérature (le jeune garçon passe des heures à lire Lermontov, Pushkin, Dostoiëvski, des livres qui, étrangement, sont trouvables dans le camp), l’ironie et le jeu.
Justement la nuit, comme antidote à la douleur, Petia fait une incursion en cachette dans l’école du village et avec l’aide de quelques craies colorées grime le visage du buste en plâtre de Staline en celui d’un clown très commun.L’enjeu de ce geste n’est pas tellement de susciter le rire des autres que d’exorciser, par le rire et l’ironie, ses propres peurs.
La survie dans le camp se manifeste comme une lutte pour la beauté, pour la culture, pour la recherche d'un principe, même religieux, à travers duquel il oppose une résistance à la douleur, et cela rien qu’avec la force des mots.
Auprès de lui est toujours présente sa mère Beauté dont la beauté réelle tant physique que morale, son intégrité est son ancre de salut. Beauté est le symbole d'une féminité salvatrice, qui lutte non seulement pour sa survie mais contre l'abrutissement spirituel, pour le droit à l'éducation de Petia, pour défendre les jeux de son enfant et ses amis des abus et même pour son amour.
Les neiges bleues, ce titre évoque les neiges de la steppe qui, vers le soir, en devenant d’un bleu glacial et limpide annoncent la nuit tellement crainte par Petia. Ce récit d’une sublimation enfantine et d’une profonde expérience de douleur causé par l’histoire est écrit dans un style délibérément très simple. Bouleversant.
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