Au sortir de la guerre, Pierrot mène une existence banale, les jours se suivent et se ressemblent et personne ne fait vraiment cas de lui. Lorsque la mort de Patrocle est découverte, toute la ville de Manosque est en émoi et les commérages vont bon train sur les potentiels coupables. Pierrot se sent enfin exister : il est le seul, avec Albert le boulanger, à savoir ce qui s'est réellement passé. Du moins le croit-il...
Son assurance nouvelle passe inaperçue aux yeux des autres, qui ne s'intéressent pas aux miséreux comme lui. Mais Madame Henry, riche veuve, remarque son changement.
"Qu'est-ce que tu regarde tant, Pierrot? [...]
- Je contemple.
- Tu contemples! [...] Tu sais ce que ça veut dire, contempler? Est-ce que tu crois que tu as le droit, toi, de contempler?
[...]
- Puisque nous sommes seuls, dit-elle toujours à voix basse, avoue-moi ton secret!
- Oïe! Qu'est-ce que vous voulez que j'aie un secret, moi!
- Quelqu'un qui contemple a toujours un secret! Ca ne sert à rien de contempler! Surtout à ton âge et dans ta misère! Si tu contemples, c'est que tu as un secret!".
Sa curiosité exacerbée, Madame Henry prend Pierrot sous son aile et lui propose de venir faire quelques menus travaux chez elle. C'est là-bas qu'il va s'initier à Bach, à Saint Simon et à d'autres choses encore...
Sur un fond historique intéressant (les années qui suivent la Libération et où les consciences de chacun commencent à se réveiller), ce roman est avant tout un roman initiatique, où un jeune homme ayant grandi dans la misère sociale et intellectuelle va faire son apprentissage. De la vie, mais aussi de l'écriture, de la beauté des mots et de l'univers de la littérature.
Pierre Magnan n'avait pas 15 ans mais 23 en 1945. Mis à part ce détail, on ne peut s'empêcher de supposer que ce roman est autobiographique : le prénom, la ville, la découverte de la littérature... Je me demande bien si le reste tient du vécu aussi, mais je n'oserais pas le lui demander!
Outre une histoire bien menée, c'est avant tout le style qui m'a fait aimer ce roman. La plume de Pierre Magnan m'a séduite, surtout pour son talent à employer des mots et des tournures qu'on ne voit nulle part ailleurs.
Pour information, Pierre Magnan est surtout connu pour ses romans policier (La maison assassinée, Le sang des Atrides...) et pour avoir été le disciple de Giono, originaire comme lui de Manosque.
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