« La nuit sous le pont de pierre » a été qualifié de « roman de nouvelles », et je pense que l’expression est bien trouvée.
En effet, chaque récit est une histoire parfaitement accomplie en soi tout en étant relié aux autres récits du livre, et tous ensemble, ils forment une fresque vive et stupéfiante de l'époque, peut-être la plus glorieuse de Prague, composée de cette poignée de décennies à cheval entre le XVI et le XVII ème siècle. Elle coïncide avec la période du règne de Rodolphe II, empereur du Saint-Empire romain, un insatiable collectionneur d'art et protecteur d'alchimistes, d'orfèvres, d'artistes et de charlatans… même si ensuite il les payait avec beaucoup de retard, si toutefois ils étaient payés ! …
C’est un monde entier que Leo Perutz nous égrène devant les yeux, en mélangeant des personnages historiques et inventés, la réalité et la fiction, dans un livre qui ne peut laisser indifférent.
Soit on déteste, en le trouvant peut-être lent et casse-pieds, soit on l'aime, comme moi, pour sa manière de donner vie à une ville, Prague, en pleine activité politique, économique et religieuse. Les luttes entre catholiques et protestants, la difficile situation des hébreux, considéré comme étrangers et mauvais, les métiers les plus disparates, de l’alchimiste au couturier, de l’aubergiste au forgeron, une histoire d’amour seulement rêvée entre un puissant souverain et une lumineuse beauté du ghetto, les rites hébraïques, la puissance de la Kabbale, qui rend capable de n’importe quoi celui qui en discerne les mystères, les tavernes pleines de marchands de passage, de paysans, de fainéants et de balourds de tout espèce… tout est ceci, et beaucoup plus encore, c’est « La nuit sous le pont de pierre ».
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