Dans ce livre, Arendt pose en s’aidant de différents exemples et de diverses pensées philosophiques qui ont précédées la sienne, la question de la responsabilité et du jugement. En fin de compte, ce livre est une apologie à la pensée et au jugement universel dont devrait faire preuve chacun de nous afin de ne pas verser dans le totalitarisme, la culpabilité et la mort de sa propre âme d’homme.
Elle pose la question de savoir qui suis-je pour juger. Dans quelle mesure pouvons-nous juger les événements et les circonstances dans lesquelles nous n’étions pas présents ? Il est souvent question de cela lorsque nous nous interrogeons sur notre passé et la culpabilité des autres. Une seule chose, de fait, doit être tenue pour dite et applicable à tous : Si nous nions cette capacité de juger, alors aucun travail historique ni procédure judiciaire n’est possible.
Présentant des cas précis (Le régime hitlériens et les individus qui l’ont soutenu par exemple). Hannah affirme que tous ne peuvent être tenus pour coupable. Je m’explique : ceux qui pratiquaient le meurtre, l’épuration, la torture sont les catégories d’hommes coupables par excellence ; mais il y a ceux qui ne pouvaient rien faire, ou même ceux qui n’osaient pas se dresser, en sacrifiant leur vie, contre le régime nazi. Il faut bien se rendre compte que l’impuissance n’est pas condamnable. Ces hommes là ne peuvent endosser la responsabilité des vrais coupables. Si on affirme que tous sont coupables, alors cette idée de responsabilité partagée entre tous disculpe les vrais coupables. Car si tous le monde est coupable, alors personne ne l’est. Il n’existe pas de différence entres les différents niveaux de culpabilité. Il n’y a aucun nom à appliquer à la responsabilité collective.
Concernant le jugement à proprement parler, je comprends que de nos jours, et vis-à-vis de la société actuelle et afin d’instaurer un équilibre, il est nécessaire de juger selon la loi, et non selon notre propre morale. Car la faculté humaine de jugement dite rationnelle, c'est-à-dire non entraînée par les émotions ou l’intérêt personnel n’est qu’une supposition, voire une pure et simple illusion.
Rien n’empêche de plus, d’être responsable individuellement dans les actes dictatoriaux, totalitaires et meurtriers, les actes d’un régime dans son ensemble. Une responsabilité personnelle est certes indissociable d’un contexte factuel, mais pour ceux qui n’ont pas céder à la folie meurtrière, qui ne sont pas devenus des rouages, sont ceux qui, même sans agir pour ce qui était juste, n’ont pas soutenu le nouveau contexte factuel. Ils ont pensé par eux-mêmes. Ils refusèrent le meurtre pour ne pas vivre avec un meurtrier, c'est-à-dire eux-mêmes.
Bien plus fiables sont ceux qui doutent et qui sont sceptiques ; Ces deux actions de l‘esprit, de la pensée, servent à examiner les choses et à se former un avis.
En fin de compte, les hommes qui furent les rouages de la machine de mort hitlérienne, puis stalinienne il est nécessaire de se mettre en tête que lorsque l’on obéit, on soutient. Alors qu’au contraire, ne pas agir, se cacher, sans ignorer est certes un aveu d’impuissance et un aveu d’inaction, mais c’est aussi de la désobéissance, un acte de résistance non violent contre plus fort que soi.
Hannah aborde également une question de philosophie morale.
Comme fondement, il est nécessaire de postuler que l’étude de la signification de la morale est à prendre en tant que connaissance de la différence entre le bien et le mal, le juste et l’injuste.
KANT disait : « Agis de sorte que la maxime de ton action puisse devenir une loi générale pour tous les êtres intelligents »
Or, la morale ne concerne l’individu que dans sa singularité. Si l’individu ne suis plus ou trompe sa morale, il pèche vis-à-vis de lui-même et ne peux plus vivre avec soi. Il existe effectivement en quelques sorte deux êtres en un. L’être agissant et l’être pensant. L’être pensant est celui qui s’enferme dans un état de solitude. Mais bien que seul, solitaire, il est bien présent avec cette autre partie de lui-même qui pense, l’autre l’écoutant penser dans une espèce de dialogue.
La norme ultime à laquelle l’on doit se conformer est la sienne propre, non celle des autres. Mais penser et examiner consiste à déboulonner les certitudes qui nous constituent. Il s’agit de tout remettre à plat, reconstruire, et s’enseigner à vivre.
Mais retenons ceci : si nous tentons d’imposer aux autres notre norme morale, alors nous la présentons comme la Vérité. Seulement, imposer une vérité se rapproche d’un comportement totalitaire. Une adhésion forcée n’est pas morale. Il est donc nécessaire de se conformer à sa morale, certes, mais de ne pas vouloir reconstruire, dresser la morale d’autres individus par la contrainte. En clair, ne pas imposer sa morale, sa vérité, mais se conformer uniquement à la sienne et accepter tant bien que mal celle des autres.
Chaque nouveau livre d’Hannah Arendt est relativement difficile. Celui-ci à été un peu moins dur. Reconnaissons tout de même l’extraordinaire complexité de sa pensée et l’aisance avec laquelle des concepts de philosophie morale peuvent être manipulés, expliqués et élucidés.
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