Ellul analyse son propre parcours: “J’ai toujours parlé et écrit, depuis 40 ans, en prévoyant ce qui pouvait se produire, et en vue d’avertir les autres de ce qui risquait d’être. J’aurais voulu que l’on prît cela au sérieux pour que l’homme fasse vraiment son histoire au lieu d’être porté par elle. Ce qui s’est produit a presque chaque fois confirmé ce que j’avais prévu. Or je ne peux m’en réjouir ou m’en enorgueillir: car j’écrivais pour éviter qu’il en soit ainsi.” Sur l’articulation des deux parties de son œuvre : “Il est sûr qu’on ne peut comprendre pleinement mes livres de sociologie qu’au travers d’une affirmation de la foi. Réciproquement, on ne peut donner un contenu à mes livres de théologie sans les penser écrits pour ce monde-ci. Car les uns comme les autres sont écrits dans la lumière eschatologique du salut final et de la réconciliation”. Dieu n'est pas pour autant invoqué comme un deus ex machina: "Je ne veux pas dire que Dieu interviendra directement sur la technique, comme à la tour de Babel, pour la faire échouer. Mais c'est avec l'appui de la révélation du Dieu biblique que l'homme peut retrouver une lucidité, un courage et une espérance qui lui permettent d'intervenir sur la technique. Sans cela, il ne peut que se laisser aller au désespoir".
(Journaliste, Madeleine Garrigou-Lagrange suit les questions de société et les problèmes de religion, en particulier pour Témoignage chrétien et Ouest-France).