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[Les mots et les femmes | Marina Yaguello]
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apo



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Posté: Mer 22 Sep 2021 17:06
MessageSujet du message: [Les mots et les femmes | Marina Yaguello]
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Cet essai, dont la première édition remonte à 1978, me paraît malheureusement très dépassé. Je recherchais les débuts d'une sociolinguistique de genre, au lieu de quoi j'ai trouvé, dans des chapitres assez indépendants l'un de l'autre, un effort de révélation de l'amplitude du sexisme dans nos langues, de la multiplicité des modalités de domination des femmes inscrites dans la langue, à une époque où les ethnologues et anthropologues ne reconnaissaient la nature sexuée qu'aux idiomes « primitifs » des sociétés « arriérées »...
Ces chapitres sont rassemblés en deux parties : « Langue des hommes, langue des femmes », et « L'image des femmes dans la langue ». Si la première démontre donc la pertinence des études sociolinguistiques, elle culmine sur cette interrogation des femmes de l'époque : ou bien adopter la langue des hommes dans un but de valorisation de soi, ou bien, par ce que l'on appellerait aujourd'hui le renversement du stigmate, revendiquer les spécificités et la valeur de la langue des femmes – et il est significatif que la linguiste ait refusé de trancher sur ce dilemme.
La deuxième partie, après un chapitre intitulé « Genre et sexe : la métaphore sexuelle » qui retrace l'archéologie du glissement sémantique (ou s'agit-il d'une analogie?) du « genre » en grammaire au « genre » en sociologie, examine une à une les « dissymétries masculin/féminin » en grammaire, puis en sémantique. Ensuite elle considère les cas d'étude des connotations méprisantes – voire injurieuses – des synonymes argotiques de « femme » par rapport à celles appréciatives de « homme » (« La langue du mépris »), et cela particulièrement en lexicographie (« Faut-il brûler les dictionnaires ? »). Cette partie se termine sur « l'action volontariste sur la langue », aux États-Unis dans les années 70, qui est était objectivement un phénomène ridicule. Il n'est donc pas du tout question d' « écriture inclusive », et Yaguello n'appelle de ses vœux, ou a minima ne consent – et encore avec beaucoup de réserves – qu'à la féminisation de certains noms de professions, qui depuis sont devenus banals...
(Je remarque que toutes mes cit. sont tirées de la première partie).


Cit. :

1. « La langue est un système symbolique engagé dans des rapports sociaux ; aussi faut-il rejeter l'idée d'une langue "neutre" et souligner les rapports conflictuels. En effet, la langue n'est pas faite uniquement pour faciliter la communication ; elle permet aussi la censure, le mensonge, la violence, le mépris, l'oppression, de même qu'elle le plaisir, la jouissance, le jeu, le défi, la révolte. Elle est ainsi tantôt lieu de refoulement (par l'intériorisation des règles et des tabous), tantôt lieu de défoulement ou exutoire. » (p. 7)

2. « On peut, certes, se moquer, avec Molière, des Précieuses, de leurs excès, de leurs outrances ; […]
En fait, ce qu'attaque Molière, ce n'est pas seulement le purisme poussé jusqu'au ridicule, le langage édulcoré jusqu'à devenir un squelette, à quoi s'opposent la vigueur, la verdeur de sa propre langue, c'est bien aussi la prétention des femmes à vouloir prendre la parole, donc le pouvoir idéologique. Et puis, avouons-le, les Précieuses faisaient montre de créativité linguistique, trait qui est généralement dénié aux femmes. » (p. 48)

3. « La logorrhée est une manifestation d'impuissance, c'est parler pour parler. Tout se passe alors comme si l'excès de paroles, le bavardage, devenait un substitut de pouvoir, une compensation à l'absence de pouvoir. […] C'est le contrôle, le pouvoir d'amorcer et d'interrompre l'échange qui compte. Fait curieux et significatif, ce qu'on dit des femmes, c'est exactement ce qu'on dit des Noirs aux USA... Ils parlent parlent, parlent (c'est l'art et la pratique du rapping). Trait culturel bien établi, en particulier chez les hommes (les femmes ont souvent autre chose à faire). […] La maîtrise de la parole, de la parole signifiante, assertive, fonctionnelle, est donc un instrument d'oppression mâle comme elle est l'instrument d'oppression de la classe dominante. » (p. 63)

4. « Les enfants s'identifient tout d'abord à leur mère sans distinction de sexe. Ils apprennent à parler, de toute façon, essentiellement avec elle. L'évacuation de l'Œdipe implique, chez le petit garçon, une forte assertion de la masculinité, l'abandon de tout registre marqué comme féminin. Le petit garçon apprend à parler "homme" en même temps qu'il s'identifie au père. […] Rien de tel pour la petite fille qui continue de parler "femme". » (p. 76)

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