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[Le studio de l'inutilité | Simon Leys]
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Franz



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Posté: Mar 09 Avr 2019 13:36
MessageSujet du message: [Le studio de l'inutilité | Simon Leys]
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Des idées emboîtées.
En plaçant son introduction sous l’égide du penseur chinois Tchouang-tseu [de son vrai nom Zhuāng Zhōu] mis en exergue : « Les gens comprennent tous l’utilité de ce qui est utile mais ils ignorent l’utilité de l’inutile », l’essayiste sinologue belge Simon Leys [nom de plume de Pierre Ryckmans] s’inscrit dans le principe de la récursivité ou dans celui plus prosaïque de la poupée gigogne avec la possibilité de produire à l’infini des phrases. L’inutile peut être utile pour peu qu’on accepte le paradoxe, le jeu sur les mots et l’éloquence de la brièveté mais d’emblée il est loisible de se braquer et de ruer pour peu qu’un cartésianisme analytique nous fasse espérer saisir un énoncé clair, sans dévoiement du sens des mots. Dans son Petit Prince (1943), Antoine de Saint-Exupéry avait déjà écrit : « C’est véritablement utile puisque c’est joli ». Peut-être avait-il lu le Zhuāngzǐ ? Fort heureusement, Le studio de l’inutilité est accessible, compréhensible et stimulant. Simon Leys a regroupé en trois grandes rubriques : Littérature, Chine, Mer plusieurs textes parus dans diverses revues concernant autant Orwell, Segalen, Simone Weil que la dictature post-totalitaire en Chine, le génocide cambodgien ou encore Magellan. Le style clair et limpide sert de liant aux différents propos, vifs et colorés, servis finement, dressant un tableau expressif et nuancé, puisant aux meilleures sources, avec une modestie non feinte qui n’exclut ni l’admiration ni l’égratignure. Autant dire que le lecteur, tour à tour, s’amuse, se ressource, s’effraie et s’enrichit au passage, à l’exemple de « Orwell intime » [Commentaire, n° 134, été 2011]. Comme il est toujours bon de lire Orwell, le découvrir dans l’à-côté de l’existence permet d’enrichir son œuvre en la lestant d’un poids de vie supplémentaire. 1984, dystopie glaçante, en a bien besoin. Simon Leys, en vingt-cinq pages lumineuses, dresse un portrait intime, riche et captivant du grand écrivain anglais. L’érudition de l’essayiste est excitante d’autant qu’elle reste discrète, presque en retrait. Une référence glissée à propos de la Commune de 1871 donne envie d’en savoir plus sur cette période occultée des livres d’histoire. Orwell apparaît, à travers ses Carnets, presque détaché des coups du sort mais comme parfaitement adapté aux contingences de la vie. « Animal politique », esprit indépendant, se méfiant des idéologies et de la posture des intellectuels : « Sartre est une grosse outre gonflée de vent », Orwell est profondément attaché à l’être humain incarné. Il est loisible d’aborder le recueil de Simon Leys par n’importe quel texte et d’engager la conversation avec un esprit lucide et profondément humaniste.

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