Les bides de Brioche.
La famille Madduc allait enfin pouvoir être réunie avec le retour de la belle Schaine, accueillie par son frère Kelse au spatioport d’Olanje, sur le continent équatorial de Szintarre appartenant à la planète Koryphon située dans l’aire gaïane. En trente mille ans, les colonisations humaines sporadiques et aléatoires dans l’étendue sidérale avaient engendrées des disparités biologiques, politiques, économiques, religieuses... singulières et incompréhensibles. Ainsi, une première vague humaine avait donné naissance aux peuples nomades des Uldras et des coureurs des vents. Les derniers venus, les Outkers, étaient principalement citadins hormis les riches seigneurs possesseurs de grands domaines extorqués aux tribus uldras d’Alouan. Les erjins et les morphotes constituent deux espèces indigènes intelligentes, dangereuses mais reléguées, les erjins comme montures des steppes, les morphotes comme espèce effrayante et pittoresque des marais. Rien ne va plus quand les Rédemptionnistes, essentiellement des citadins conquis par les revendications de quelques Uldras dont le Prince Gris, alias Jorjol, alias Brioche, deviennent désireux d’évincer les seigneurs de Koryphon pour s’accaparer terres, richesses et prestige. Brioche a été élevé par Uther Madduc au domaine de Morningswake [Matin clair], grandissant avec Schaine et Kelse mais l’arrivisme, la concupiscence et la cruauté se dissimulent chez l’Uldra sous une couche de démagogie, de grandiloquence et de vantardise. Désireux de retrouver sa fille Schaine après cinq années de séparation, Uther a envoyé au préalable une lettre signalant qu’il a fait une découverte stupéfiante, révolutionnaire et amusante mais il disparaît avant d’atteindre Olanje. Les enfants Madduc, accompagnés de Gerd Jemasze, un jeune seigneur voisin et d’Elvo Glissam, un idéaliste bataillant pour la libération des erjins, décident de reprendre la piste d’Uther Madduc afin d’éclaircir un imbroglio où se trament drames et passions.
La relecture des œuvres de Jack Vance (1916-2013), écrivain goguenard et marin cosmique, est une source de jouvence et d’amusement frais. Les Domaines de Koryphon ne dérogent pas à ce constat d’ivresse légère et pétillante, de plaisir récréatif non frelaté. L’édition vieillotte, au papier jauni, à la reliure inconsistante propose néanmoins en couverture une illustration réussie de François Allot. La traduction semble aléatoire, l’impression fautive mais tout cela réuni n’amenuise en rien la magie vancienne dont ce roman regorge et exhale. L’auteur s’est visiblement délecté en concevant les chariots à voile des coureurs des vents. L’exploration et les courses poursuites dans les plaines immenses de Koryphon sont à goûter en prenant son temps. Les personnages sont typés et trempés, se révélant dans l’action à l’exemple du taiseux Gerd Jemasze, de l’impulsive et déterminée Schaine Madduc, de l’idéaliste et courageux Elvo Glissam, du pisteur uldra Kurgech et surtout de l’incroyable Brioche [Muffin], impitoyable, déterminé, suffisant et pervers, un méchant comme seul Jack Vance sait les croquer, létal jusqu’à l’ultime claquement de mâchoire. La fin reste superbement ouverte. Il n’y aura pas de suite.

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