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[haikus du bord de mer | collectif]
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apo



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Posté: Sam 08 Avr 2017 9:28
MessageSujet du message: [haikus du bord de mer | collectif]
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Même un béotien absolu tel que moi s'aperçoit que la beauté d'un haïku tient au moins autant à la sémantique – photographie instantanée d'une sensation – qu'à une esthétique visuelle émanant des idéogrammes en eux mêmes et dans leur disposition, par similitudes et symétries transversales, sur les trois (rarement deux) vers verticaux ; cela peut être analogue à notre esthétique sonore de la rime et du mètre, et non à nos calligrammes.
[Sans avoir la possibilité d'entendre ces poèmes dits, il est toutefois évident que la fameuse règle de la répartition en 5-7-5 syllabes ne peut absolument pas être avérée dans ce livre.]

Ce recueil se compose de cent douze haïkus de quarante poètes, cités en index, actifs entre la moitié du XVIIe et le XXe siècle (étrangement les dates de naissance et de décès sont ignorées pour sept de ces huit contemporains), ayant pour thème le bord de mer, tout au long des différents moments de la journée et de l'année. Le regroupent n'est pas chronologique mais par images. De plus, il m'a été impossible de dater les poèmes en les lisant, tant ils semblent homogènes. J'ai juste pu reconnaître chez Santoka (1882-1940) une spécificité dans la posture du Je, qui a fait de ses haïkus mes préférés.
La succession des textes est très agréablement choisie, car elle donne presque l'illusion d'un récit unique d'un seul spectateur d'un même paysage, sur un an, que l'on peut résumer dans les deux pages (en prose et citations) initiales :

« J'arrivai de nuit à l'auberge, fatigué par tant de marche, et m'endormis aussitôt. Le lendemain matin :

"on voit un peu la mer / par la petite / fenêtre" [n° 37, Hosai, 1885-1926].

Après quelques minutes d'une marche légère et reposée sur le sentier au milieu des pins :

"me voilà / là où le bleu de la mer / est sans limite" [n° 31, Santoka, 1882-1940]

"de la mer au printemps / toute la journée / le doux ressac" [n° 11, Buson, 1715-1783].

Il y eut beaucoup d'autres choses ces jours-là : des traces de pas sur le sable, un crabe à marée basse, les pluviers sur le rivage, un voilier de nuages, la cabane d'un pêcheur, le feu d'artifice. Toutes d'une présence éternelle à laquelle je m'accordai

"sublime / dans la baie de Suma / les vagues pour oreiller" [n° 112, Ryokan, 1756-1851]. »

Il est donc indispensable de s'attarder longtemps sur les textes d'origine afin d'en apprécier la beauté, en survolant juste la traduction.
Et de là, grâce aux lexèmes qui se répètent d'un poème à l'autre, mon esprit s'est mis à reconnaître des idéogrammes chinois inconnus auparavant, à un chercher les ressemblances par champ sémantique (mer, marée, vague, etc.), à déduire quel est le caractère du complément de nom – il a la rondeur d'une coquille d'escargot, on m'a confirmé qu'il se prononce No – et à comprendre donc que le génitif se construit en japonais avec l'attribut en première position, comme le génitif saxon en anglais et celui du turc.
Je me suis reproché que ce genre d'observation constitue le contraire exact de l'état d'âme propice à la contemplation des images convoyées par les poèmes. J'ai su me pardonner. Je me suis rendu compte enfin que ces élucubrations grammatico-structurales n'empêchaient pas l'exercice d'une jouissance esthétique fondée sur des critères disparates et largement inconscients, qui m'ont fait parfois arrêter net la lecture, inexplicablement, sur certains haïkus. Dont je choisis entre tous les deux suivants :

« toute la journée / silencieux / le bruit des vagues » (Santoka)

« les rêves fugitifs / des pieuvres prisonnières dans les jarres / la lune d'été » (Basho, 1644-1694).

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