L'ecrivaine turque Pinar Selek raconte comment elle a peu à peu pris conscience qu'il y avait encore des Arméniens en Turquie alors que le génocide dont ils ont été victimes avaient rendu les survivants quasiment "invisibles" pour les turcs "bon teint". C'est un très beau témoignage que celui de cette jeune turque révoltée qui a été condamnée à l'exil par le gouvernement turc actuel pour avoir osé brisé l'ormerta qui règne dans ce pays au sujet du génocide ou du massacre des arméniens, quelque soit le mot que l'on emploie.

Bonjour Andras,
Connais-tu le recueil Les Petits-Enfants d'Ayse Gül Altinay et Fethiye Cetin (Actes Sud 2011) ? Le sujet de la découverte d'aïeux arméniens est très important actuellement en Turquie, car il donne plusieurs aperçus inattendus au sujet du génocide/massacre (témoignant notamment du caractère impopulaire des massacres, mais aussi du nationalisme successif, républicain).

Je connais personnellement et aime bien Pinar Selek, du temps où elle venait d'être libérée de prison (où elle avait subi la torture) pour son engagement auprès des détenus politiques kurdes, plus ou moins en relation avec le PKK. Cependant il me semble inexact de dire qu'elle a été condamnée à l'exil, surtout concernant le sujet arménien. Elle fait son doctorat en sociologie à Strasbourg.

Par ailleurs, je conteste fermement que "l'omerta règne [en Turquie] au sujet du génocide [...]". A l'opposé, on est étonné du grand nombre de publications ainsi que de la liberté de ton qui caractérise le débat (notamment universitaire) sur cette question, depuis au moins les années 1990 (c-à-d. bien avant le gouvernement Erdogan, mais même depuis).
Là où ça bloque, comme toujours, c'est au niveau politique en général et gouvernemental en particulier. Et puis il y a eu l'attentat contre Hrant Dink, mais là aussi, il s'agit d'un crime d'Etat et les réactions ont été très vives.

Bonjour Apo,

Je viens seulement de découvrir ton post à la suite de ma note de lecture au sujet du livre de Pinar Selek et je t'en remercie ! (est-ce que c'est l'Agora qui a deconné encore une fois ???? ). Non je ne connais pas le livre dont tu parles, ni son auteur, ça me parait intéressant.

Puis-je te demander dans quelles circonstances tu l'as rencontrée ? Es-tu toi-même turc ou as-tu des origines turques ou arméniennes ?

Pardonne ma curiosité ! (tu peux me répondre par mail si tu préfères : andrasz@gmail.com, avec un z après andras)

andras

Bonsoir Andras,

Curiosité légitime qui n'a pas à être excusée. Pas non plus de secret ni de réserve identitaires sur l'Agora !
Non, je ne suis pas turc ni n'ai d'origines turques ni arméniennes.

Cependant je suis turcophone, j'ai vécu pendant plusieurs années en Turquie dont je suis toujours l'actualité politique et littéraire, et cela me suffit à réagir avec une certaine animosité contre la désinformation qui règne généralement en France sur la question arménienne, ainsi que kurde (pour une série de circonstances historiques qu'il serait long et fastidieux de rappeler mais qui convergent à dépeindre ici ce pays sous un mauvais jour, souvent pour les mauvaises raisons... alors que de meilleures ne manqueraient pas, au demeurant).

J'ai rencontré Pinar Selek en servant d'interprète à la délégation d'une ONG internationale bien connue qui avait souhaité l'interviewer sur les conditions carcérales en Turquie et sur les violations des droits humains en général. C'était un entretien à la limite de la clandestinité, alors qu'elle venait juste d'être relâchée et que les signes de la torture subie étaient évidents. A l'époque, elle n'avait encore aucun rapport avec la France. J'avais trouvé ses propos plus intéressants, plus sincères, assurément plus émouvants et moins consensuels que ses prises de position actuelles.