[Les jeunes filles. 1, Les jeunes filles | Henry de Montherlant]

Pierre Costa, dans l’édition originale, rebaptisé par l’auteur Pierre Costals après qu’un quidam homonyme eut porté plainte, n’apparaît pas dans le premier volume de la tétralogie romanesque comme un libertin peu soucieux de ses conquêtes. A rebours, si le jeune écrivain à succès touche le cœur des femmes, il n’en abuse pas ou alors à son corps défendant. Costals reçoit quantité de lettres d’admiratrices énamourées à l’exemple de celles de Thérèse Pantevin, dévote délirante cherchant l’amour absolu ou d’Andrée Hacquebaut, provinciale esseulée aspirant à l’amour idéal. Le Don Juan des lettres consent à répondre à Andrée de temps à autre puis sur son insistance, à la rencontrer avec contraintes et réticences. Après plusieurs années d’échanges épistolaires, Andrée veut s’offrir à Costals qui ne sait comment se sortir d’un pétrin sentimental sans blesser sa soupirante. Si Pierre Costals estime Andrée pour son intellect, il la trouve laide et n’éprouve aucun désir physique pour elle. De cynisme en esquive, de mensonge en pique acérée, il accule Andrée au désespoir en l’avilissant presque malgré lui car elle s’imagine toujours qu’il l’aime mais qu’une timidité maladive le retient. Prendre des vessies pour des lanternes est un des symptômes de l’affection d’amour dont Andrée souffre. Chemin faisant, Costals croise Solange Dandillot qui a le don d’exacerber son désir en ne s’offrant jamais complètement. Nonobstant sa lucidité mâtinée de cynisme, Pierre Costals est bel et bien ferré par la jeune et jolie femme jugée inculte.
Publiés conjointement en 1936, « Les Jeunes Filles » qui donnent aussi le titre du cycle romanesque et « Pitié pour les femmes » constituent la première partie de la trétralogie. Suivront « Le Démon du Bien » (1937) et « Les Lépreuses » (1939). Henry de Monthelant (1896-1972), jouisseur et indépendant se garde bien de ressembler à Costals même si sa vie présente des ressemblances avec le principal protagoniste de l’histoire, maestria et succès littéraire, refus de la vie mondaine, du mariage, culture de la vie privée, voyages incessants en Espagne, en Afrique du Nord, etc. Œuvre tombée aujourd’hui en désuétude alors qu’elle a connu des ventes et un succès remarquables, de multiples traductions, fait l’admiration des critiques et des écrivains dont Stephan Zweig, la lire maintenant reste source d’étonnement et de plaisir. La construction et le style sont classiques donc modernes. D’abord bâti sur un échange de lettres, le roman fait songer aux « Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos mais assez rapidement la correspondance ne vient plus étayer que de loin en loin le récit repris par le journal de Pierre Costals avec des insertions de petites annonces matrimoniales à tomber à la renverse (après la boucherie de 14-18, la gent masculine fait défaut et impose ses diktats), des réflexions de Montherlant, etc. Montherlant a l’art de fouailler les cœurs et les entrailles des hommes et des femmes en les mettant à nu avec une lucidité parfois éprouvante. L’œuvre la plus connue de Montherlant a incontestablement mérité les éloges reçus.

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