[Fario : revue semestrielle de littérature et d'art. 12 | Vincent Pélissier]

Editée comme à l’ancienne sur un beau papier beige, la revue de littérature et d’art Fario en possède un grain particulier d’une qualité rare mais le livre, ce « petit bloc assemblé dignement » comme le dit Vincent Pélissier, son rédacteur en chef, dans un entretien daté de mai 2010 [poesibao] réunit des textes parfois inédits, souvent essentiels, profonds et bouleversants. Ainsi, dans la 12e livraison de l’hiver 2012, le lecteur découvre le 3e chapitre du texte de Baudouin de Bodinat, « Au fond de la couche gazeuse » [voir aussi Fario 10, été automne 2011, Fario 11, printemps été 2012, Fario 13, hiver 2013, printemps 2014] soit vingt pages où chaque mot pèse son poids de sens et la phrase, rabotée au plus juste délivre, par la scansion et le tempo particuliers à l’énigmatique auteur, une pensée féconde, en mouvement continu, irriguée par d’autres textes anciens, oubliés, parfois controversés mais jamais anodins telles les quelques lignes écrites par Immanuel Vélikovsky dans « Mondes en collision » [1950] mis en exergue et donnant le titre à l’œuvre de Baudouin de Bodinat. Loin d’être aplati « au fond de la couche gazeuse », le lecteur découvre une vision cosmique et réjouissante sous des monceaux de détritus et de trépidations stériles. Le texte suivant dû à Marcel Cohen, « La sphère de Magdebourg » est tout aussi précieux tant l’auteur s’y livre, nu, parlant d’une impossibilité à écrire sur la Shoah et pourtant il y arrive et touche juste, par contournement, effleurement puis en profondeur. Cette belle revue, doucement grenue au toucher, délivre bien d’autres textes et les découvertes foisonnent comme celle du poète Jean-Luc Sarré avec des extraits de ses carnets « Ainsi les jours ». Âgé de 81 ans aujourd’hui, vivant à Marseille, il possède une voix accessible et fraternelle : « Jardiner ou, plus modestement, s’occuper des plantes, c’est d’une certaine manière faire le bien » ou encore : « Minuit. Le grossier claquement d’une paire de tongs offusque la lune ». Le lecteur accroché et séduit ne peut connaître que l’envie d’approcher un peu plus près ce poète fécond et singulier. La revue Fario n’est pas à contre-courant. Au contraire, elle reflète le monde sur ses flancs.

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